Y-a-t-il eu un antisémitisme médiéval ? C’est la question que se pose François Soyer (@FJSoyer) dans son dernier livre. Il nous a accordé un entretien exclusif où l’on parle persécution des juifs et invention de la haine raciale... Un thread ⬇️! #Antisemitism #histoire https://t.co/PmuOJsawzt
F. Soyer rappelle que le plus souvent les historiens distinguent l’antijudaïsme, médiéval, et l’antisémitisme, moderne et contemporain. Mais lui propose une approche plus nuancée https://t.co/1y4nx2WuK3
Le mot même « antisémitisme » n’apparaît qu’en 1879, mais on peut s’en servir avant. Et il est important de reconnaître l’existence d’un préjugé proto-racial contre les Juifs, né au Moyen Âge. https://t.co/K3MYADthgd
Certes, au Moyen Âge, les théories raciales ne sont pas encore formulées. Mais, dès le XVe siècle, l’idée selon laquelle les Juifs sont un peuple intrinsèquement enclin au mal, de par leur nature profonde, était devenue courante en Europe https://t.co/CNyfIrx7Xj
Ces idées ne sortent pas de nulle part. Pendant longtemps, la papauté latine a protégé les juifs, selon le concept d’Augustin de « peuple témoin », dont la présence est nécessaire dans la société chrétienne jusqu'à leur conversion au moment de la fin des temps https://t.co/wfyrhObPsn
Les papes promulguent à répétition la même bulle (Sicut Judaeis), qui interdit les conversions forcées et fixe les cadres de la coexistence des juifs et des chrétiens – au prix, évidemment, de la soumission des premiers https://t.co/MWnQF4VhN4
Vers 1220, notamment à cause de la découverte du Talmud par les théologiens catholiques, l’image des Juifs se dégrade rapidement. Selon Raymond Martin, par exemple, les Juifs veulent « tuer les chrétiens et tuer leurs enfants en les jetant dans des puits et des fosses » https://t.co/9AIRd50gXZ
A partir de là, la situation évolue rapidement et la papauté, tout comme les pouvoirs laïcs, jouent un jeu très ambigu, cherchant à la fois à protéger les juifs et à s’en servir comme boucs émissaires... On en a parlé dans un ancien article :
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Et évidemment on renverra également au travail de Juliette Sibon, qui a bien montré combien la royauté française expulsait les Juifs pour construire la puissance publique :
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La crainte d'un « complot juif » pour saper et détruire la société chrétienne par le meurtre, la collaboration avec les musulmans, l'immoralité sexuelle et le sabotage économique (usure), trouve ainsi ses origines dans la période médiévale https://t.co/gXIDVT9pXy
C'était une graine toxique qui s'est fermement enracinée dans le discours anti-juif le plus extrême et qui a prospéré à l'époque moderne. Son influence peut être vue dans les écrits anti-juifs du réformateur protestant Martin Luther au XVIe siècle https://t.co/rO7c6h3h3i
Autre exemple : en 1510, l'imprimeur allemand Hieronymus Höltzel, par exemple, affirme qu'un Juif attaquant une hostie consacrée agit en raison d'une « haine » et d'une « envie » qui sont « congénitales » chez les Juifs. https://t.co/AelTjUEmSX
C'est en Espagne que le langage de l'hérédité et son déterminisme généalogique, articulé dans l'idée que le judaïsme se transmet biologiquement des parents aux enfants via le « sang », se rapproche le plus des théories raciales modernes. https://t.co/XlV8kLQ7Ny
A partir de 1391, des milliers de juifs sont convertis sous la contrainte, ce qui crée une population de « nouveaux chrétiens », les conversos, souvent considérés avec suspicion par les chrétiens. Cela a créé un environnement social toxique dans les royaumes ibériques https://t.co/nO2NlJj5wb
Auparavant, la religion et le port de symboles suffisaient pour distinguer les chrétiens des juifs. Après 1391, les « vieux chrétiens » se tournent de plus en plus vers la généalogie, et les conversos sont discriminés en raison de leur « sang juif » https://t.co/fpBbjbjUxw
C’est ainsi que s’élabore le concept de « pureté de sang » (limpieza de sangre), qui s’enracine dans les théories médicales de l’époque : un enfant est le fruit du mélange de la semence de son père et de sa mère, et en hérite des traits physiques, mais aussi mentaux https://t.co/rvgcK4Cgu7
Mais il faut rester nuancé : ce concept ne se développe véritablement qu’à partir du XVIe siècle. Idem pour l'expression raza de judío - « race juive » - qui n'apparaît qu'au début de la période moderne https://t.co/PBPInGwvA7
La décision des monarques catholiques Isabelle et Ferdinand d'expulser les Juifs d'Espagne en 1492 ne fut pas influencée par une quelconque croyance au déterminisme généalogique ni par une peur des effets héréditaires du « sang juif ». https://t.co/fmjg9DDKy2
Au contraire, les monarques catholiques étaient motivés par le désir d'assurer l'assimilation complète des conversos dans la population chrétienne de leurs royaumes. https://t.co/nvMZZ5Knu1
Cette fabrique médiévale de l’antisémitisme peut-elle nous aider à mieux comprendre notre époque ? L’antisémitisme du XXIe siècle est bien entendu influencé, entre autres, par le conflit israélo-palestinien. https://t.co/bhLBvn3unv
Néanmoins, F. Soyer insiste sur le fait que l'extrémisme nationaliste de droite et le suprématisme blanc continuent de se nourrir de l’antisémitisme virulent de la période médiévale, qui a présenté les juifs comme un collectif maléfique visant à détruire la société chrétienne https://t.co/SSTDCq589L
F. Soyer (@FJSoyer) propose ainsi un livre tout en nuances, rappelant combien il est important de réfléchir sur les termes que l’on emploie. Un entretien exclusif à retrouver sur notre site :
https://t.co/zvC8NtMov3
Et en plus le livre de @FJSoyer est actuellement en promo : si l'entretien avec l'auteur (à lire en intégralité sur notre site) vous a donné envie de le lire, c'est le moment ou jamais !
https://t.co/zzn5uGDG1g