Alec ن Archambault

Le harcèlement, et encore + en ligne, tue. Immense responsabilité des pouvoirs publics qui ont tardé à prendre conscience d'un vrai sujet de santé publique (non, ce n'est pas parce que c'est en ligne que les conséquences ne sont pas réelles) sans accorder les moyens nécessaires https://t.co/sUHqWNfETy

Par exemple, dès 2012/2013 (à la lumière des retours d'expérience des élections 2012 montrant que les digues étaient en train de céder) il a été proposé de prévoir un dispositif de type réponse graduée pour le harcèlement en ligne car les outils étaient là

Car on s'acheminait vers un contentieux de masse, pour lequel la chaine pénale n'est structurellement pas adaptée pour faire face en procédure habituelle. Et il existe des outils (+ des codeurs talentueux) pour identifier en quelques minutes un auteur de contenus frais haineux

Car au fond, beaucoup de similitudes avec les délits routiers. Du point de vue des auteurs d'infractions, ce n'est qu'un petit dépassement, un moment de relâchement. Sauf qu'à l'arrivée, les conséquences pour les victimes peuvent aller jusqu'à la mort. D'où une réponse pénale

Mais réponse pénale adaptée, privilégiant une approche "pédagogique" sur la masse des primo-délinquants ou pour des faits sans trop de gravité : le petit courrier reçu assez rapidement après les faits, grâce à une organisation revue, pour inviter à changer le comportement

S'il n'y a aucune impunité sur Internet (contrairement à ce que peuvent vous raconter des politiques qui en même temps votent chaque année un budget paupérisant la Justice) une grosse partie du sentiment-réel- d'impunité vient de l'inadéquation de la Justice aux enjeux numériques

Pendant trop longtemps, faute de formation en accueil, lorsqu'une victime de harcèlement en ligne souhaitait déposer plainte, elle s'entendait dire qu'elle dérangeait pour pas grand chose, car bon, tout cela est virtuel, et si cela se trouve, elle l'avait peut-être bien cherché.

La prévention et la sensibilisation des plus jeunes générations aux bons comportements numériques a été trop longtemps délaissée, car-vous-comprenez-ce-qui-se-passe-en-dehors-de-l-école-ne-concerne-pas-l-école. Ah bon, et l'éducation routière alors ?

En parlant de jeunes générations, précisons que depuis quelques années maintenant, il y a un vrai changement de mentalités et il est désormais courant de parler de ces sujets en milieu scolaire, avec leurs mots à eux, sur une approche + efficiente que celle purement moralisatrice

Car bon, parler des dangers d'Internet à des ados, ça rassure les adultes peut-être, mais sur la durée c'est pas l'approche la + pertinente. Ce sont les comportements qui sont dangereux, et non l'outil. Et, surtout, cela invisibilise les victimes

Après, sur la réponse pénale, elle a le mérite d'exister (et donc de tordre le cou à cette légende urbaine de l'impunité sur Internet) mais elle n'est pas adaptée aux enjeux, en terme de masse et de délais. Mais comme pour les délits routiers, il est possible de s'adapter

Bon, maintenant qu’on a posé le constat, quelles pourraient être les pistes pour gagner en efficacité plutôt (qui comme chacun le sait est le chien de Mickey) que la solution de facilité consistant à dépouiller le régalien en refourgant tout cela aux GAFAMs ? https://t.co/aDKee3kf80

Car quand on demande à des acteurs privés de se substituer à la justice (alors qu'ils n'ont rien demandé en ce sens), ça termine généralement sur ceci https://t.co/zNPXGvj6XK

Alors que faute d’organisation appropriée pour faire face efficacement (dans l’intérêt du justiciable) à un contentieux de masse, comment croire que des acteurs privés pourront se substituer efficacement à la justice, pilier pourtant essentiel de toute souveraineté ?

Dans un autre contentieux de masse, celui de la délinquance routière, est-ce qu’on demande aux sociétés d’autoroute de verbaliser & sanctionner les excès de vitesse/conduite dangereuse ? Est-ce qu’on demande aux exploitants d’écouter, verbaliser & sanctionner les propos de cafés?

Le fait que la haine/doxing en ligne, véritable problème de santé publique, soit un contentieux de masse ne saurait être une excuse pour fuir ses responsabilités en dépouillant le régalien au profit des plateformes avec un droit pénal purement expressif, sans refonte de procédure

Car il existe des contentieux de masse pour lesquels une réponse adaptée en termes de procédure / chaine de traitement de la réponse pénale a été trouvée par le législateur : reprenons l'exemple la délinquance routière (radars automatisés / video-verbalisation => contravention)

Avec pour les cas les plus graves de délits routiers passage par le Tribunal de Police ou Tribunal Correctionnel. Dans tous les cas, une réponse de la Justice (car oui, la contravention en est une).

De même, quoi qu’on puisse penser de feu #Hadopi, la réponse graduée est une piste à ne pas évacuer en matière de haine/atteinte vie privée en ligne où une grosse partie des atteintes résulte avant tout d’un manque de sensibilisation sur les bons comportements à adopter en ligne

Plutôt que de refiler la patate chaude aux plateformes en les désignant du doigt, dans la grande tradition du bouc émissaire qu’affectionnent les politiques 🇫🇷 (car le pas gentil, c’est forcément l'autre), pourquoi ne pas réfléchir à adapter la réponse judiciaire ?

A savoir une chaine de traitement dématérialisée (et également beaucoup + sûre, car traçable & auditable) permettant d’obtenir en quelques minutes pour les contenus frais (jours pour les contenus + anciens) l’identification (en couplant avec une demande auprès du FAI)

Or c’est pas comme si nous n’avons pas en France un outil (#PNIJ) permettant aux enquêteurs d’obtenir en quelques minutes l’identité d’un abonné derrière une IP ou un numéro de téléphone (ok, quand la réquisition est correctement formulée, car une IP non RFC6302/non horodatée…) https://t.co/8Xraz5DHpL

Car oui, figurez-vous qu’en appliquant les lois existantes et en formant nos enquêteurs pour qu’ils sachent correctement parler à Internet, on peut identifier des auteurs de contenus haineux et les traduire devant la justice en quelques jours. Sans nouvelle loi. Etonnant, non ? https://t.co/Zx5B3UhOX6

Quand on dit parler correctement, c'est déjà donner les moyens à nos enquêteurs, magistrats et avocats de se former efficacement à la réalité de l'exploitation d'Internet et du numérique : trop souvent, ils en sont restés à l'image d'Epinal https://t.co/E9bMRT666I

Or en occupant le dernier rang des nations fondatrices 🇪🇺 en termes de moyens octroyés à la Justice (juges, enquêteurs, outils, formations…), la 🇫🇷 ne se donne pas les moyens d'améliorer le sort des victimes de harcèlement en ligne https://t.co/W0SdUh9b6X

Bref, en matière de réponse judiciaire pour la délinquance en ligne, on dispose déjà des outils permettant de gérer ce contentieux de masse : en interfaçant les plateformes avec la #PNIJ, la Justice peut obtenir l’identité d’un mis en cause en quelques minutes (art. A.43-9 CPP) https://t.co/aJGcYIzvG7

Car voyez-vous, un combo WA09 (pour obtenir des plateformes Internet l’IP d’un auteur de contenu & adresse email / numéro de téléphone de rattachement du compte) WA0X (si IP) ou MA02 (si 06) peut permettre d’identifier un auteur de contenu illicite "frais" en quelques minutes

Pour peu qu’on scripte un peu le truc (y’a tout plein de Gus chez @42born2code qui peuvent vous faire cela en une nuit) avec notamment interrogation des bases porta pour les 06/07 et qu’on tune un peu le référentiel A.43-9 CPP pour prendre en compte RFC6302 (aka port source) https://t.co/03fxc4ZmeX

Au passage, notez la célérité des pouvoirs publics qui auront mis 10 ans à traduire en obligation légale une norme suprême d'Internet (car la RFC6302 a été érigée en BCP 162), et dont l'absence mettait en échec des enquêtes pénales
https://t.co/S3K5Dr8Qsd

A partir de là, comme on a su le faire pour feu #Hadopi, pourquoi ne pas réfléchir à une réponse graduée : envoi d’un petit courrier à l’auteur de contenu illicite (haine, doxing…), et si récidive (ou si contenu particulièrement grave), déclenchement de l’action publique

Sans préjudice du droit pour les victimes d’obtenir réparation sur le terrain civil, car non, le pénal n’est pas l’alpha & l’omega de la résolution des conflits entre personnes privées

Les victimes de contenus illicites pourraient, de leur côté, être autorisées par le Juge à se voir communiqués par les plateformes & FAIs les éléments d’identification d’auteurs de contenus haineux, afin de pouvoir engager des poursuites sur le terrain civil & obtenir réparation

Or, ça tombe bien, il existe déjà des textes pour cela, il suffit juste de préciser par circulaire la mise en oeuvre pour ce nouveau type de contentieux (et au passage obtenir de notre ami à l’oiseau bleu qu’il mette la sourdine sur les référés rétractation https://t.co/ksaKRDIf2S

Oui, les lectrices et lecteurs attentives et attentifs m'objecteront "oui, mais la CJUE a sifflé la fin de la récré sur l'accès aux données techniques des acteurs Internet". On répondra que la CJUE vise les enquêtes pénales et n'a nullement fermé la porte pour les actions civiles

Bref, tout cela pour dire qu’on peut faire appliquer la loi en ligne sans pour autant empiler des textes dont on ne prévoit pas les moyens de leur efficience. Et qu’il serait temps que le législateur percute qu’il a d’autres missions toutes aussi nobles que voter la loi https://t.co/G3iFhlGwSr

Et que si les plateformes ont leur part de responsabilité, le principal responsable du sentiment d’impunité concernant les actes haineux en ligne reste avant tout le législateur qui a failli aux missions qui lui incombent au titre de l’article 24 de notre Constitution

C’est en quelque part le message en creux à destination du législateur de la part du Conseil Constitutionnel dans ses dernières décisions de censure : Evaluez avant de voter. Contrôlez. Même en amateurs si vous y tenez. Puisse la Législature qui vient en tenir compte.
#TheEnd

Mon Jan 10 14:29:13 +0000 2022