Il y a fort longtemps, je conduisais un « Petit gris », c’est le nom de ces vieilles rames.

Et j’y ai vécu une expérience disons sociale…

Thread. https://t.co/LcgcrmM3bw

Les Z-6100, aka les « petit gris » donc, j’aimais pas les conduire.
Le tout petit poste de conduite contient à peine mon 1m90 bien replié.
Pas de clim
Pas d’accélération
Pas de frein puissant.

Bref, en 2002, c’est plus du tout un matos adapté à la banlieue. https://t.co/AwmHD20Avh

Paris Gare du Nord. 17h00.

C’est la pointe en ce début de printemps. Les travailleurs rentrent à la maison en banlieue.
Beaucoup de voyageurs montent dans la rame.

Mais c’est l’heure du départ. https://t.co/rpUvWPqeuX

Le contrôleur me donne le départ, il est au milieu de la rame.

A l’époque, il y avait encore des contrôleurs à bord des trains de banlieue.
Il ferme les portes avec sa clé spéciale, et me donne le top.

La rame s’élance.

Je suis parti depuis environ 300 m quand j’ai une mega fuite d’air dans le frein du train.

La rame s’immobilise au pire endroit ever.
Les aiguillages de Paris Nord.

En gros. Plus aucun train ne rentre. Plus aucun train ne sort.
Je fais chier TOUT LE MONDE.

Je regarde vite fait la rame par la fenêtre, j’ai un signal d’alarme.

Autrefois signal d’alarme = action du frein.

Aujourd’hui, ils sont « électronique », il y a des bips en cabine de conduite, mais cela n’arrête plus le train.

Je sors donc dans les voies, après avoir prévenu le poste principale de Paris Nord.

Et bien sûr, le signal d’alarme est à l’arrière du train, tout au fond!

Tape toi 300 mètres à marcher dans les aiguillages…

Marcher le long d’une voie c’est déjà galère sans de bonnes chaussures.
Marcher dans plein d’aiguillages bien gras, c’est pénible, avec mes fines baskets neuves.

RIP la paire de pompe.

J’arrive péniblement dans la voiture en question.
Je monte, et comme c’est haut (y’a plus de quai), j’en bave.

Une fois dans la voiture, je réarme le signal, et je demande à tout hasard qui a tiré le signal.

Autant te dire que demander qui est coupable de foutre un mega bordel a 17h00 à la Gare du Nord, personne ne va répondre…

Eh ben si. Une gentille dame, la quarantaine fluette, avec une voix qui l’est tout autant.

« C’est moi » , timide, presque inaudible.

Moi, deux tons en dessous:
« Ben, madame? pourquoi??? »

« C’est à cause du monsieur là, il était dehors, accroché à la porte ».

En effet, un retardataire n’avait rien trouvé de mieux que de s’accrocher a l’extérieur de la rame au moment du départ.

Il serait accroché à la poignée extérieure, in extremis.

Avant, il y avait des marche pieds extérieur aux trains. C’est fini depuis pour justement éviter ce genre de « cascade »… https://t.co/uuVe4NU900

Et le monsieur en question, assis sur un coin de banquette en skaï orange,
Un cadre, costume cravate, la cinquantaine, petit gabarit, un peu dégarni.

La sacoche en cuire replié sur sa poitrine, en mode « j’ai fait une grosse connerie ».

Je le regarde de haut, dans le sens premier du terme car je suis debout juste à côté de lui.

« Ben??? Pourquoi ? »

Et la fameuse réponse classique « Je ne voulais pas rater mon train… » avec le ton d’un enfant qui va aller au coin en classe.

« Mais, monsieur, il y a un train toute les 15 minutes.
Vous avez risqué votre vie pour 15 minutes… ».

Je vois le regard réprobateur des autres voyageurs envers le gars.
Quelques uns voudrait bien l’engueuler aussi.

Je regarde la dame, je la montre du doigt.

« Cette dame monsieur, vous a sauvé la vie. Et je vois qu’il n’y a que elle dans cette voiture qui a eu le courage de le faire ».

Switch total, tous ceux qui regardait le mec avec colère, se mettent à regarder leurs godasses…

Il est tellement plus facile de désigner un coupable à la vindicte que d’avoir les réflexes pour éviter un drame.

« Bon, je retourne en cabine, on va repartir. Que ça reste calme ici, tout le monde veut rentrer chez soi ».

Un merci discret à la courageuse du jour.

Retour dans les aiguillages. 300 mètres à pied dans l’autre sens.

Tout ça en 10 minutes à peine, mais 10 min en heure de point du soir d’une gare comme celle du Nord, c’est une éternité pour le poste.

J’ai fini ma mission vers la banlieue. Tout fût calme.

Je n’ai jamais revu ni la dame, ni le monsieur.

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