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Tomber en panne avec un train, cela peut arriver.
Mais, quand il y en a plus ton directeur avec toi dans la cabine, c’est un autre niveau.

Thread ⤵️⤵️⤵️ https://t.co/YD7aSTsSk1

Je suis à 2 km, à l’ouest de la ville de Perpignan, au marché des légumes de Saint Charles.

Je regarde ma rame se faire remplir de « couleurs ». https://t.co/bauD9UTfVp

Saint Charles, c’est le deuxième plus gros marché de fruits et légumes derrière Rungis.

Des centaines de camions semi remorques, alignés comme à la parade, venant d’Espagne, du Portugal, d’Italie et du sud de la France viennent vider leurs cargaisons ici. https://t.co/4KRRQFdS4S

Parfois des cagettes sont cassées pendant le transport.

Alors les employés les mettent de côté, et on peut parfois prendre deux trois fruits.
Moyen pour moi de récupérer de quoi m’occuper pendant le voyage. 😋 https://t.co/1a5NO8I3E4

Et puis il y a les odeurs. Les couleurs.

C’est magique. J’en prends plein les yeux, plein les narines.
Je déambule sur l’immense quai en prenant garde de ne pas gêner les caristes.

Des virtuoses. Au ballet bien réglé. https://t.co/2S7voqcoXX

Il faut presque deux camions pour remplir un seul wagon.
Les palettes sont calées au cm près.

Le voyage de 1000 kilomètre à parcourir à 140 km/h risque de provoquer quelques soubresauts.
Il faut éviter les emplacements vides. https://t.co/IzwfHVKmM2

Je discute parfois avec les employés du site. Je leur raconte ma nuit à venir.

Ce train blanc, composé que de wagons frigorifiques, qui parcours les 3/4 du pays pour livrer le ventre de Paris, le Marché International de Rungis. https://t.co/gC2HuOiobB

Départ vers 17h00 de Perpignan, arrivée prévue à Rungis vers 2 où 3 heure du matin.

8 heures de conduite (avec un changement de conducteur à Brive).

8 heures à bombarder à 140 à travers la campagne.

Les fruits et légumes cueillit le matin peuvent arriver le lendemain dans l’assiette du restaurant de la Place d’Italie ou sur les marchés de La Courneuve.

L’avantage du train, c’est son volume énorme, multiplié par sa vitesse.

Je prépare ma locomotive. Un peu plus que d’habitude.

Je fais aussi attention à la propreté de ma cabine.
C’est que j’ai le « DET » avec moi ce soir.
Traduction: Le Directeur de mon entité Fret m’accompagne.

C’est extrêmement rare que le N+3 suive un conducteur.

Justement il arrive dans le triage. A pied, avec le chasuble orange du cheminot.

Les salutations d’usage, il regarde la manœuvre où j’amène la locomotive a venir s’atteler aux longs wagons blancs. Ils sont remplie « à la claque ».

Essai des freins, vérification des portes fermées, je suis prêt au départ.

Autorisation du poste d’aiguillage de Perpignan. Au bout de seulement 20 min de conduite, nous traversons les étangs de Leucate.

L’un des plus beau spectacle d’Occitanie. https://t.co/WBWxRL2qTr

La rame serpente entre les étendues d’eau immense, les vols de flamand rose, et de temps en temps on voit la mer Méditerranée.

Le spectacle subjugue mon directeur. Et moi même, malgré les passages répétés, je ne me lasse jamais d’un tel spectacle.

Peu à peu on parle de pleins de sujet avec le directeur.
La nuit tombe, les barrières hiérarchique aussi.

On parle boulot naturellement.
De la ligne, de l’entretien des locomotives, de la pérennité du fret ferroviaire à l’avenir.

Tous les sujets y passent.

On a 4 heures de voyages devant nous jusqu’à Brive.

Carcassonne, Toulouse, Montauban, les gares défilent.
Derrière nous, les wagons suivent, alignés comme à la parade. https://t.co/OuGNIbAUn0

On va pas tarder à passer à Cahors, capitale du Lot.
Soudain, 2 lampes rouge illumine mon pupitre.

Je viens de perdre un BM. (Bloc Moteur)

En gros, sur les deux puissant moteurs électriques qui propulsent ma loco, l’un d’eux vient claquer.

Sauf que devant moi ce n’est pas un profil plat qui s’annonce.
J’ai la montée de Gourdon et la terrible côte de Souillac à gravir.

Ça ne passera pas avec un moteur.
Jamais.
Je le sais d’expérience.
Je freine immédiatement en gare de Cahors.

A la grande surprise du chef de poste qui m’appelle à la radio sol-train.

«  Y a un problème 50044? »

« Oui, pas un petit, j’applique le guide de dépannage, je te dit quoi ensuite»

Précision, dans le ferroviaire, tu ne t’appelles pas René ou Sébastien, tu t’appelles « ton numéro de train ».

Tu es 50044.

Bon, ça va, ce n’est pas non plus un matricule de prison.😁

Je lance le dépannage, et au bout de 10 minutes, le verdict tombe. Le BM est vraiment HS, impossible de le relancer.

Je vais repartir en demi puissance.

Et au vu de ma masse, c’est impossible.
Je dois prendre une décision avec mes responsables technique à Paris.

Il faut laisser des wagons à Cahors…

Heureusement, j’ai 8 vides au cul.
Traduction: j’ai les 8 derniers wagons qui sont en rapatriement.
Ils n’ont aucune marchandises dedans.

C’est parti pour des manœuvres dans le petit triage de Cahors.

Dételage des vides, refaire un calcul de frein.
Calcul de masse tractable.
Papier, crayon, calculette.

Même le directeur fait le calcul de son côté.
Technique du double contrôle.

Les chiffres concordent, on est bon.

On repart avec la précieuse marchandise.
Évidement, avec un seul moteur, la vitesse de pointe ne brille pas.
On monte péniblement les rampes de Gourdon et Souillac à faible vitesse.
On arrive à Brive avec 3 heures de retard.

Mon directeur aura vu en direct une situation qui heureusement n’arrive pas tous les jours.

Ce train de légumes à, part la suite, été en sursis.
L’entretien onéreux des wagons et son équilibre économique l’ont fait disparaître quelques temps.

Avant de faire un retour dernièrement, dans un format plus court.
Mais toujours entre Perpignan et Rungis.

Disparaître et Renaître.
Tel un phénix.

Thread Off. https://t.co/SKy1HZ5Ty1

Sun Sep 04 13:39:15 +0000 2022