Paul Chopelin

Les réflexions qui fleurissent ici sur le bon moment à choisir pour dénoncer telle ou telle manipulation de l'histoire ou discours anti-sciences au nom de la préservation des intérêts d'une juste cause ne manquent pas de crisper les historiens des religions. Dont je suis.
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Parce qu'on a tous (pour les + vieux) connu des chercheurs qui étaient aussi des croyants militants, fermant les yeux ou abdiquant tout sens critique sur certains sujets parce qu'il ne fallait pas nuire à la communauté et à ses "bonnes œuvres" en période de difficultés.
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Toute une génération de chercheurs dans les années 1970-1980 s'est battue contre cette histoire militante et sclérosante. Et le combat continue, car la tentation de l'apologie reste grande chez certains. Il faut travailler sur soi, sur ses propres biais, les assumer et...
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... produire une histoire ouverte. Croyant ou incroyant, je dois faire un exposé équilibré qui n'occulte aucune donnée d'un problème. L'interprétation que j'en donne doit être transparente pour permettre à chacun d'avoir toutes les cartes en main pour juger sereinement...
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... mon travail. D'où l'importance de la vulgarisation et de la pédagogie, pour toucher le plus large public possible. Sans oublier le sens du collectif, dans la recherche comme dans la vulgarisation, pour se garantir de la plaie du gourou médiatique déconnecté.
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Et tant pis si ce travail donne des arguments aux adversaires d'une cause qui m'est chère. On ne bâti rien de solide sur le mensonge ou sur la manipulation d'autrui. Toute dissimulation, même temporaire, même juste, alimente la défiance et les pensées irrationnelles.
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Toute histoire (pas uniquement des religions) est politique et résulte d'un biais de croyance, mais remettre en cause le consensus scientifique qui permet de parler ensemble et de penser la complexité est inévitablement source de tension, de peur, de repli et de violences.
7/12

Notre société a pour l'instant fait le choix de la science comme meilleur moyen de comprendre le monde plutôt que celui des pensées magiques et ésotériques. Les peurs contemporaines (climat, pandémie, économie) amènent certains à remettre en cause ce choix.
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Plutôt que de créer de la vaine agitation et de la division, le rôle des chercheurs est de rassembler par la rationalité, la transparence et la pédagogie au nom de l'intérêt commun. Pour faire face efficacement aux dangers qui nous menacent collectivement.
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Tant pis si cela dérange certaines croyances. Se remettre en question et se confronter à l'altérité intellectuelle n'a jamais obligé à remettre en cause son propre système de croyances, mais à l'adapter, voire à le conforter si on accepte la complexité des situations.
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Défendre une vision complexe des choses n'est pas une position "réactionnaire" mais une position émancipatrice. Parce qu'elle nous oblige à nous dépasser et à lutter contre nos peurs, tout en satisfaisant du mieux possible notre besoin social de justice.
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Pour finir, j'estime que le temps du chercheur doit être celui de sa mission de service public, pas l'agenda de telle ou telle communauté de croyance politique ou religieuse. Quand une cause est juste, la critique scientifique ouverte ne doit pas faire peur. À aucun moment.
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Fri Sep 09 12:43:02 +0000 2022