Nous recevons beaucoup de questions sur l'hypothétique transfert d'avions de chasse à l'Ukraine. La question est, évidemment, entièrement politique. Mais pour en finir avec les débats sans fondement, voici les aspects techniques 👇
D'abord, quelques éléments chiffrés : en temps de paix, le modèle de formation typique est de 6 mois pour un pilote expérimenté (500 HDV+) et environ 9 mois pour un stagiaire sorti d'école de l'aviation de chasse.
Cette période couvre le pilotage basique de l'avion (voltige, vol en formation diurne et nocturne, ravito, gestion des systèmes, procédures de secours, etc.) et la tactique basique (combat aérien à vue et au delà de l'horizon, guerre électronique, air-sol). Vols réels + simu.
Un pilote qualifié sur type est capable de tenir son rôle d'équipier dans une mission opérationnelle, **mais il ne dispose pas de l'ensemble des compétences qui feraient de lui un atout sur le champ de bataille**.
Outre la formation initiale, un pilote de chasse doit acquérir un ensemble de qualifications spécifiques liées à ses missions et à l'emploi des armes. Et cela ne peut se faire que dans le cadre d'un escadron opérationnel où des missions réalistes permettent de former un pilote.
Exemple : même si la formation initiale a pu lui donner une base sur le air-sol, il doit accumuler en unité ops un certain nombre de vols qui multiplient les scénarios. Pour apprendre une langue et la rendre utile, il faut la pratiquer. C'est la même chose ici.
Ainsi, un pilote de chasse, en temps de paix, n'atteint son pic technique qu'au bout de quatre à cinq ans de vie opérationnelle, ayant vécu un éventail de missions suffisamment vaste pour être techniquement agile, tactiquement lettré et productif pour l'unité.
Bien sûr, on peut couper dans une formation de ce genre afin de "lancer" plus tôt un pilote dans le grand bain. On peut former en 3 mois au lieu de 6, ignorer (ravito) ou alléger certains aspects si le pilote est "combat proven", mais cela se paie en temps de guerre.
La situation se complexifie quand on vient d'une sphère linguistique différente (la maîtrise de l'anglais doit être plus que raisonnable) et qu'on doit se faire à une interface pilote-vecteur radicalement différente.
Ajoutez les procédures, les tactiques, les armements, tous différents et vous avez là des éléments qui, loin d'être des accélérateurs, agissent plutôt comme des freins à la transformation sur chasseur.
Voilà pour l'information factuelle. Je passe sur les aspects logistiques, le maintien en condition ops, etc. qui font de cette question un vrai sujet d'experts.
Tout ça pour dire que ce n'est pas un sujet d'opinion, mais profondément technique. C'est pour ça qu'il n'y a pas de réponse simple.