Il y a 10 ans j'ai vu les gens auxquels je faisais confiance se retourner brusquement contre les "gens comme moi" et brandir, vomir leur homophobie chaque minute que Dieu fait.
J'ai subi les humiliations à la messe, en aube dans un chœur froid et sans possibilité de fuir.
J'ai été rabaissé en cours de philosophie, sans possibilité de me défendre. J'ai été insulté, moqué, volé, ostracisé l'essentiel de ma scolarité, avec un pic en 2012-2013. On a répandu des rumeurs, on a ruiné mes relations sociales. J'ai été "la seule lesbienne du lycée".
J'ai entendu des proches harranguer mes parents de faire 4h de bus pour aller manifester à Paris. J'ai vu nos existences être ridiculisées, insultées, comparées à des crimes, remises en question, débatues. J'avais 18 ans et je me prenais l'hostilité de plein fouet.
La détresse psychologique causée par cette année de manifestation et d'étalage national d'homophobie crasse, on est beaucoup a en avoir payé les conséquences. Chez moi ça a nourri le trouble anxieux avec des anabolisants. Et ça a saccagé mon rapport pourtant solide à la religion.
Je pense que peu peuvent comprendre la douleur que représente une fracture entre soi et son Église, sa religion. C'est une violence perpétuelle, une impasse, un traumatisme répété. Car renier sa foi, contrairement à ce qu'on pense, ça n'a rien d'une évidence.
Ce serait une souffrance de plus, et perdre sur tous les tableaux.
Moi j'ai perdu mon Église. J'ai perdu toutes les personnes que j'y ai connues ou presque. J'ai une foi brisée mais qui ne s'est jamais éteinte. J'ai perdu une communauté, un abri dans la tempête. Il me reste Dieu.
Et malgré tout ça je garde en mémoire ce soulagement intense, ce soir-là il y a 10 ans, quand j'ai appris que la loi passait. Parce qu'envers et contre tout, moi, j'ai toujours voulu me marier. Je pensais mourir par suicide avant. Mais je le voulais profondément.
C'était il y a 10 ans et d'autres que moi ont analysé notre colère qui ne décroît pas et nos luttes toujours aussi épuisantes et vitales.
10 ans plus tard je suis toujours en vie. Je ne suis plus seul non plus. Et bientôt nous serons mariées, et bénies. Et ça, ça compte. https://t.co/JgYrKRDb0y