- papa?
- oui?
- je peux te parler ?
Mon grand âgé de 14 ans, c'est pas un locace, il parle pas bcp donc quand il vient me dire ça, j'avoue que ça m'angoisse un peu.
- bien sur, tu peux me parler.
Je le vois géné, ne sachant pas comment commencer.
- en fait, depuis janvier

Y a un élève de ma classe qui est harcelé par trois garçons, ils se moquent de lui, ils lui mettent des petites gifles, ils l'insultent sur snapchat.
- il en a parlé à quelqu'un ?
- non à personne, il a pas trop de copain mais il laisse un peu faire. Je suis allé le voir mais

Il veut pas en parler à ses parents ou à un prof. Au debut je disais rien mais la c'est de pire en pire.
- pourquoi tu m'en parles aujourd'hui ?
Il me sort son portable et me montre une photo d'un écran de portable, sur l'image on y voit la tête du môme sur un corps

D'acteur porno au milieu d'un gang bang gay...
J'ai ma tension qui monte a 38.
- je sais qu'il veut pas en parler mais i' va peter un câble.
Mon garçon me donne alors la photo et le nom du gamin harcelé, il me donne aussi le nom des harceleurs.
Avant de le laisser, je lui

Demande :
-mais toi, personne t'embête ?
- tout le collège sait que mon père est gendarme, ils prendront pas le risque.
- et la avec ça, si il y a des représailles tu me le dis tout de suite.
- y en aura pas, ils sont teubés mais pas à ce point.
Dans la foulée, j'ai appelé

Le principal du collège pour l'informer et pour avoir les coordonnées des parents. Il me dit qu'il se doutait de quelque chose mais que le harcelé dit en permanence que tout va bien.
Je passe alors un appel à la maman, je lui explique que j'aimerais leur parler d'un soucis

Sans trop rentrer dans le détail, elle me propose de passer à 17h30 quand son mari sera rentré et que leur fils sera a la maison.
Je la rassure en lui disant que son fils n'a rien fait de mal.
Le soir, j'explique ce que je sais, que je réagis en tant que gendarme mais aussi

En tant que papa. La maman tombe des nues, le jeune fond en larme et lache tout, des mois à se lever la boule au ventre, à manquer de sommeil, à avoir peur toute la journée, les humiliations, les brimades.le père est en colère, contre les auteurs déjà mais aussi contre son fils

Qui n'a rien dit. Je lui réponds que son fils est victime, qu'il n'a rien à se reprocher. Le père veut voir les auteurs, je refuse, je lui dis qu'on va faire les choses dans les règles, avec un dépôt de plainte.
Le lendemain matin, les parents font rater l'école à leur fils et

Je l'entends pendant deux heures. Il me parle de ses idées noires, de vengeance, de suicide, je me dis qu'on est peut etre pas passer loin d'un drame. Il me dit qu'il est venu une fois ou deux avec un couteau suisse au collège. Il cible 3 garçons en auteur et deux autres en

Témoins, deux qui voyaient mais ne disaient rien.
Il me donne des éléments probants, le cyber harcèlement est clairement matérialisé, le cyber harcèlement etant une circonstance aggravante du harcèlement, je veux aller au bout de la procédure. J'en parle à mon patron en amont

Et appelle la permanence du parquet. Aux vues des éléments et de l'age des mis en cause, ils ont tous 14 ans, le substitut me prescrit un placement en garde à vue pour les trois auteurs et une audition libre de mis en cause pour les deux témoins.
Il faut savoir qu'on peut

Mettre en garde à vue des mineurs de plus de treize ans mais dans ces cas la , un avocat doit obligatoirement etre présent. Je retourne voir le patron et on se met d'accord pour entendre tout le monde en même temps pour ne pas leur laisser le temps de se concerter.

Il faut alors prévoir 5 avocats!! Le debut de la galère je pense mais au final il n'en est rien, le patron me suit à fond et me laisse en directeur d'enquête, il prevoit 3 binômes de garde à vue et deux opj pour les mis en causes.
On décide de gérer ça le mercredi suivant

Pour faire rater le moins de cours possible. Le mercredi suivant, tant bien que mal, on a tous les gamins dans nos bureaux, ils se regardent et j'ai l'impression qu'ils ont compris pourquoi ils sont la. J'ai préparé des questionnaires pour les auditions, j'ai même un cntech

Qui est la pour analyser les téléphones en direct. Au final, ils reconnaissent tous les faits, même si un n'a craqué que lorsque les deux autres ont reconnu. Les violences, les humiliations, tout. Et ils ne donnent aucune excuse, rien, un dit quand même en haussant les épaules

Que la victime ne disait rien donc que ça devait pas le déranger. Je suis en train de bouillir. Je suis le seul de ma brigade à avoir des collégiens donc à chacun je demande :
- tu sais qui est mon fils?
Tous disent que oui.
- on est bien d'accord, tu lui fous la paix.
- oui.

Je rends compte en fin de journée au parquet, il décide de convoquer tout ce petit monde au tribunal. Il veut marquer le coup, que plus un mome ne soit harcelé dans ce collège.
Je rends ensuite les enfants à leurs parents en leur donnant la convocation et je leur dis bien que

Leurs enfants ont tous reconnu histoire que le discours ne soit pas différent une fois à la maison. Tiens d'ailleurs, vous apprendrez qu'en cas de garde a vue d'un mineur, les parents peuvent rester pendant les auditions. Étonnamment les mis en cause ont tous demandé à etre seul

Mais ils ont pu lire les auditions de leurs enfants et voir par eux même la réalité des faits.
Un an a passé depuis ces événements, je ne parlerai pas du jugement, je dirai juste que certains ont quitté le collège et que la victime n'a plus jamais été harcelé.
Mais je retiens

Que c'est grâce au témoignage d'un tiers que tout a débuté. Parlez à vos enfants, dites leur que c'est grâce à eux que tout peut changer et qu'il ne faut pas fermer les yeux. Le harcèlement est une réalité et il faut lutter contre, le dialogue avec nos enfants est vital

Il faut leur expliquer ce que c'est, pour les victimes en parlent , pour que les témoins agissent et pour que les auteurs se rendent compte de leurs actes.
Il existe des solutions. Le 3020, le 3018. Et l'application 3018.
Parlez en.

Ah oui je précise juste! Un cn'tech, c'est un technicien en nouvelle technologie, qui opère sur les portables, les ordis etc.