Bonjour à toutes et à tous !
Ici @AnttonRouget, exceptionnellement en direct sur le compte de @mediapart pour live-tweeter, depuis le tribunal judiciaire de Paris, l’audience contre la censure préalable dont nous avons fait l’objet dans l’affaire de Saint-Étienne.
À dérouler👇 https://t.co/TdQq06PvoW
L’audience doit débuter à 14h. Avec nos avocats de @SeattleAvocats, nous demandons en urgence à la justice de revenir sur sa décision de nous interdire de publier de nouvelles révélations sur l’affaire de Saint-Étienne.
Notre dossier sur cette affaire👇
https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/saint-etienne-le-maire-la-sextape-et-le-chantage-politique
La décision nous empêchant de publier nous a été notifiée vendredi 18 novembre. Au journal, ce fut la stupéfaction.
Cette censure préalable constitue une attaque sans précédent contre la liberté de la presse, comme l’explique ici @edwyplenel👇
https://www.mediapart.fr/journal/france/211122/un-magistrat-ordonne-la-censure-prealable-d-une-enquete-de-mediapart
L’ordonnance a été prise dans l’urgence, sans audience publique ni débat contradictoire. Elle s’appuie sur des dispositions n’ayant rien à voir avec le droit de la presse. Du jamais vu depuis le vote de la loi de 1881 sur le droit à l’information et la liberté d’expression👇 https://t.co/SGBVOCf9tR
Cette censure a suscité des protestations unanimes.
Ce mardi, 37 sociétés de journalistes et 17 associations de défense du droit à l’information ont dénoncé, dans un texte commun, cette «grave et flagrante attaque contre la liberté de la presse» 👇
https://blogs.mediapart.fr/la-sdj-de-mediapart/blog/221122/censure-de-mediapart-des-societes-de-journalistes-denoncent-une-attaque-contre-la-liberte-d
L’Association des avocats praticiens du droit de la presse s'est aussi insurgée contre la décision du président du tribunal judiciaire de Paris, qui « s'engage dans la voie de la censure pure et simple d’un article de presse et perd la boussole ». 👇 https://t.co/lvY6YahG1Q
Les soutiens sont venus de toutes parts. Y compris de personnalités qui n’ont pourtant pas vraiment été épargnées par les enquêtes de @Mediapart ces dernières années 👇
https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/mediapart-censure-meme-isabelle-balkany-defend-edwy-plenel-et-ses-journalistes_210590.html
Pour obtenir une telle décision, l’avocat de Gaël Perdriau a réussi à convaincre un magistrat que notre publication à venir aller porter atteinte à la vie privée de son client. Ce n’est pas du tout le cas, comme nous l’avons rappelé. À voir ici 👇
https://youtu.be/xudfXvh9xjY
Nos nouvelles révélations s’appuient notamment sur des enregistrements de réunions de travail, dans le bureau du maire de Saint-Étienne.
Des enregistrements dont nous avons déjà diffusé des extraits dans des enquêtes précédentes 👇
https://www.mediapart.fr/journal/france/120922/sextape-de-saint-etienne-des-enregistrements-du-maire-prouvent-un-chantage-mafieux
Dans ces extraits, par exemple, on peut entendre le directeur de cabinet du maire menacer l’adjoint Gilles Artigues de diffuser auprès des parents d’élèves de l’école de ses enfants des extraits d’une sextape filmée à son insu. Des méthodes qu’il assume👇
https://twitter.com/Mediapart/status/1569339519551344640?s=20&t=WaI_XcLkhWWOXFkZobwUXg
Nos publications dans cette affaire ont provoqué le licenciement du directeur de cabinet, le départ de son adjoint à l’éducation. Le parquet de Lyon a également ouvert une information judiciaire, dans laquelle Gaël Perdriau a été placée en garde à vue.👇
https://www.mediapart.fr/journal/france/230922/chantage-saint-etienne-les-secrets-d-une-demission
Début septembre, nous avions consacré une émission spéciale (en accès libre) pour rappeler les enjeux de cette affaire (le respect de la vie privée, le contexte politique, les réactions,…)
C’est à revoir ici 👇
https://www.mediapart.fr/journal/france/050922/chantage-la-sextape-la-mairie-de-saint-etienne-notre-emission-speciale
[Intermède commercial]
Mener cette enquête représente des mois de travail (début en mars 2022), des frais d’avocats, de déplacements.
Or, comme vous le savez, nous ne vivons que du soutien de nos lecteurs : pas de pub, de subvention.
Abonnez-vous, donc ;)
https://abo.mediapart.fr/
L’audience débute. Me Emmanuel Tordjman défend Mediapart. @RSF_fr, le @SNJ_national, @SnjCgt, @USJCFDT, la Fédération int. des journalistes, la @LDH_Fr, l’Association de la presse judiciaire et l’Association des avocats praticiens du droit de la presse se joignent à la procédure.
Edwy Plenel prend la parole:
« Je suis devant vous au nom du journal Mediapart dont je suis le directeur de publication. Je viens vous demander de mettre fin au plus vite à une attaque sans précédent contre la liberté de la presse. »
Il poursuit : « La décision que nous attendons ne concerne pas que Mediapart. Jamais, de mémoire de journaliste et de juriste, sauf aux périodes d’éclipse démocratique, nous n’avons connu une décision judiciaire de cet acabit : la censure préalable d’une information ».
« Les nouvelles informations qu’Antton Rouget s’apprêtait à révéler sur Mediapart s’inscrivent dans le prolongement d’une enquête dont M. Perdriau a lui-même reconnu l’intérêt public » en procédant au licenciement de son directeur de cabinet, par exemple.
« Cette fois, nous nous apprêtions à révéler que, dans le cadre de ses activités de maire, M. Perdriau utilisait le poison de la calomnie, de la pire des calomnies, comme arme politique pour discréditer un élu de premier plan, l’actuel président de région Laurent Wauquiez.»
«En effet, pendant que son avocat demandait dans l’urgence d’empêcher notre article,M.Perdriau répondait à Mediapart: loin de contester nos informations, il reconnaissait avoir tenu ces propos ignobles à l’encontre de M.Wauquiez et affirmait clairement qu’ils étaient mensongers.»
«Ce n’est pas sa vie privée qu’a voulu protéger M. Perdriau mais sa réputation politique qu’il a voulu sauver. Il a voulu cacher des propos qu’il ne pourra aucunement assumer devant les élus de sa majorité, devant son conseil municipal et, surtout, devant ses administrés.»
La déclaration d’Edwy Plenel est à retrouver en intégralité ici 👇 https://t.co/ID0ZCiDqly
Me Emmanuel Tordjman : « Cela fait 8 jours aujourd’hui que l’information est censurée. Votre ordonnance, sans même que vous ayez pu en prendre conscience, sans examen contradictoire, a eu des effets dévastateurs. »
« Nous avons besoin de savoir ce qu’il se passe à la mairie de Saint-Étienne. Nous avons besoin de savoir ce que font les élus de la République (...) On vous demande la censure d’une information que personne ne connaît »
« Les enregistrements ont été réalisés dans le bureau du maire, lors de réunions politiques, en présence du directeur de cabinet. On vous ne l’a pas dit tout cela [au moment de soulever une atteinte à la vie privée], madame la présidente. »
« Le 15 novembre 2022, Antton Rouget pose des questions à Gaël Perdriau sur l’enquête qu’il va réaliser. La requête est déposée le 18. Au même moment, M. Perdriau répond à Mediapart sur les propos grossiers, abjectes, de la calomnie ! Mais tout cela, on ne vous le dit pas. »
« Votre ordonnance doit être rétractée aujourd’hui. On censure en trois minutes, et on attendrait trois jours pour rétablir la liberté ? Non, la liberté ça n’attend pas ! Cela fait 8 jours que Mediapart ne peut pas faire son travail. »
« Des extraits d’enregistrement de la réunion du 27 novembre 2017 ont déjà été mis en ligne par Mediapart le 12 septembre 2022. Qu’a fait M. Perdriau ? Une action en référé ? A-t-il dénoncé une atteinte à la vie privée ? Non, il n’a rien fait. »
« Vous avez interdit une publication sur la base d’une hypothèse. Votre décision est historique dans le mauvais sens. Elle nous ramène à une époque de censure. Vous avez empêché le droit de savoir de l’ensemble des citoyens ».
« L’exécution de votre ordonnance date d’il y a 8 jours. Or, l’information n’est pas un bien lambda, c'est l’un des droits les plus précieux. Au-delà du caractère préalable de la censure, il y a un autre problème : vous ne savez pas ce que vous avez censuré. »
« Comme vous l’a dit Edwy Plenel, Gaël Perdriau ne cherche pas à protéger sa vie privée, mais sa réputation.»
«La censure est abolie depuis 1881. Il n’y a pas trace dans notre ordre judiciaire français et européen d’une décision censure préalable de l’information. Pas une! Vous avez contrôlé préalablement une information pas encore publiée, c’est la gravité de votre décision.»
« Votre ordonnance interdit même à quelqu’un d’autre de publier l’information, de manière directe et indirecte. D’autres journaux, les journalistes, les blogueurs, les citoyens. Votre ordonnance interdit à quiconque de diffuser cette information. »
« Prenons une hypothèse catastrophique, où l’interdiction serait confirmée. Pensez-vous une seule seconde que cela tiendrait devant la Cour européenne des droits de l’Homme ? Rassurez-vous, nous n’irons pas à Strasbourg. Puisque vous allez rétracter votre ordonnance ».
« On ne veut plus que la presse investigue sur le maire de Saint-Etienne ! Même quand Antton Rouget pose d’autres questions, on vous parle d’atteinte à la vie privée. On ne veut pas que les stéphanoises et les stéphanois soient informés du comportement de leur maire ».
« Mediapart n’enregistre personne. Mediapart n’était pas dans la chambre de Mme. Bettencourt, Mediapart n’était pas dans le bureau de M. Perdriau ! Mediapart publie des informations. »
« Le sens juridique de votre ordonnance c’est qu’un enregistrement dont vous ne connaissez rien, ni le contenu, ni la longueur, réalisé dans le bureau du maire de Saint-Etienne au cours d’une réunion de travail, ce serait une atteinte à la vie privée de Gaël Perdriau. »
Me Tordjman rappelle qu’en 2013 Mediapart avait déjà révélé des extraits d’un enregistrement réalisé dans le bureau de Serge Dassault, dans lequel il reconnaissait avoir acheté la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes.
https://www.mediapart.fr/journal/france/110913/serge-dassault-laveu-de-la-corruption
Me Christophe Ingrain, avocat de Gaël Perdriau, enchaîne : « Il est profondément injuste de dire que nous aurions pour objectif de porter à la liberté de la presse. Nous n’avons pour autre objectif que de protéger la vie privée de notre client ».
« Mediapart s’apprêtait une nouvelle fois à publier un enregistrement clandestin de notre client. L’ordonnance n’interdit et ne censure aucun article. L’ordonnance fait injonction à Mediapart de ne pas diffuser l’enregistrement. »
Courte introduction de Me Ingrain. Me Paul Mallet poursuit pour Gaël Perdriau. Il répond aux nullités soulevées par les avocats de @SeattleAvocats (Me Emmanuel Tordjman, Me Olivia Levy et Me François de Cambiaire) pour Mediapart.
Me Christophe Ingrain reprend la parole pour expliciter les raisons pour lesquelles il convient selon lui de confirmer l’ordonnance. « Des publications d’enregistrements clandestins sont déjà intervenues le 5 septembre, le 6 septembre et le 12 septembre 2022 ».
« Le 15 novembre 2022, nous n’avions aucun doute. Avec ce questionnaire envoyé à Gaël Perdriau, Mediapart s’apprêtait à procéder à la diffusion de nouveaux enregistrements. »
« Dans notre cas, seule une procédure sur requête nous permettait d’éviter la réalisation de l’atteinte au respect de la vie privée de Gaël Perdriau, puisque ces enregistrements allaient être diffusées. »
« L’injonction faite à Mediapart d’interdire la diffusion d’enregistrements clandestins est licite et proportionnée. Elle n’est pas constitutive d’une censure préalable. »
« Aucune interdiction n’est faite à Mediapart de continuer à travailler. Mediapart continue à travailler », plaide Me Ingrain, en lisant un nouveau mail de contradictoire envoyé cette semaine à son client Gaël Perdriau, après la notification de l’ordonnance vendredi 18 novembre.
« La seule circonstance que Gaël Perdriau soit un homme politique, que les conversations aient lieu dans son bureau, ne suffit pas à écarter le caractère privé des discussions. »
« Les paroles ont été prononcées à titre privé et confidentiel. Considérer que l’inanité des propos de Gaël Perdriau est d’intérêt général est grotesque ».
Le procureur de la République intervient : « Cette affaire illustre l’intérêt du principe du contradictoire, et la difficulté de statuer sans contradictoire. Vous avez aujourd’hui en main tous les éléments pour statuer ».
Me William Bourdon pour RSF & syndicats de journalistes : « Nous vous demandons de corriger l’hérésie judiciaire que vous avez signée. »
« Je suis un peu embarrassé, je plaide devant un magistrat, à qui je demande de reconnaître qu’il s’est trompé. Mais vous avez été trompé. C’est autre chose que de se tromper. »
« Est-ce que cette procédure est adapté à la liberté d’informer ? Evidemment non. Vous avez été la victime collatérale d’un détournement de la procédure. »
« L’excès de ruse ayant conduit à cette ordonnance vous donne finalement l’occasion de rappeler de manière ferme et vigoureuse des principes fondamentaux. »
Pour la LDH : « Votre décision contrevient gravement à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. La justice ne peut pas être aveugle et sourde. C’est décision sans contradictoire est une erreur, une atteinte grave à une liberté fondamentale. »
« C'est la première fois que l’Association avocats praticiens du droit de la presse intervient de façon volontaire dans une audience. (...) Nous devons défendre les principes garantissant le droit de la presse et nos libertés fondamentales. »
« Dans cette association, il y a des sensibilités extrêmement diverses. Malgré cela, un consensus a été trouvé, car nous sommes dans un cas totalement inédit où le respect du contradictoire comme jamais a été bafoué ».
« C’est une décision inédite, qui pulvérise littéralement le droit de la presse. Le droit de la presse, ce sont des années et des années pour arriver à cet équilibre fondamental entre la liberté d’informer et les libertés individuelles ».
François Saint-Pierre pour l’Association de la presse judiciaire: «Nous devons bien poser le débat d’idée, de société qu’ouvre cette procédure (...) Cette notion même d’interdiction préalable à un nom. Voilà donc des avocats qui viennent demander la réintroduction de la censure.»
« La question qui se pose n’est plus de droit, de loi, mais de pratique judiciaire. Que s’est-il passé concrètement pour interdire Mediapart de publier son article ? C’est une catastrophe judiciaire, il faut se le dire. »
L’affaire est mise en délibéré. Elle sera rendue mercredi 30 novembre, à 15h.