Devant la multiplication des incendies de forêt et l'ampleur qu'ils prennent, on peut se demander comment les hommes du passé y faisaient face, sans réel moyen technique. Je vous propose donc un petit thread autour des incendies de forêt au Moyen Âge 1/17 https://t.co/Yqxir2oRos

Disons-le d'entrée : s'il y a toujours eu des feux de forêt, cela n'enlève rien au caractère exceptionnel de ce que le réchauffement climatique nous fait vivre. Question d'intensité, d'ampleur, de fréquence. 2/17

Il est toutefois essentiel de souligner que les incendies sont un objet historique qu'il faut traiter comme tel. Les causes, les conséquences socio- économiques, la sensibilité à leur égard, les mesures prises changent selon les périodes et nous en sommes en partie héritiers 3/17

Il faut rappeler pour commencer que les espaces les plus sensibles au feu aujourd'hui, à savoir en gros les forêts méditerranéennes, sont le résultat d'une modification de l'environnement d'origine humaine à partir du Néolithique. Un changement opéré par le feu, justement 4/17

Une espèce aussi symptomatique que le pin d'Alep peut être qualifiée de pyrophile, non seulement par sa capacité à survivre aux incendies (et à les propager), mais aussi parce que c'est ce qu'il lui a permis de remplacer les chênaies qui l'ont précédé. 5/17

En brûlant les forêts pour ouvrir des espaces pastoraux et agricoles, les hommes ont favorisé malgré eux une "végétation fille du feu" pour reprendre une expression du géographe Vincent Clément. 6/17

Comme l'a montré Aline Durand pour le Languedoc, ce remplacement est encore en cours durant la 1ère partie du Moyen Âge. Les hommes médiévaux ont hérité d'une pratique largement répandue durant l'Antiquité, mais progressivement les pratiques changent 7/17

Plusieurs raisons à cela : la politique de défrichement arrive à son terme au XIIIe siècle ; les techniques agricoles se sont aussi modifiées ; enfin, on ne peut écarter l'expérience d'un monde désormais plus plein qu'il faut aussi préserver 8/17

Il faut dire que le Moyen Âge subit véritablement les incendies, faute de moyens techniques, et pas uniquement dans le sud de la France. En 1244 et 1301, en Alsace, le Mont Saint-Odile s'embrase, provoquant d'importants dégâts. 9/17

En Provence, en 1305, un certain Guillaume Dodon, de Roquebrune-sur-Argens, est condamné à une lourde amende pour avoir mal contré son essartage et mis le feu à la forêt voisine. Désormais, on cherche les coupables. 10/17

Partout, les législations se durcissent : c'est la seule arme dont dispose les autorités pour lutter contre les incendies. L'Espagne a une longueur d'avance : le droit wisigothique prévoyait déjà une mise à l'amende des incendiaires. 11/17

Cette mesure est réaffirmée plusieurs fois au cours du XIIIe siècle. Mais, au cours du XIVe siècle, les autorités haussent le ton : en 1351, les Cortes de Valladolid instaurent la peine de mort contre les responsables d'incendies de forêt. 12/17

Ailleurs, le XIVe siècle voit fleurir des mesures préventives. En Toscane, en 1297, les statuts de Tintinnano imposent l'accord préalable du châtelain ou des consuls avant toute opération d'écobuage et instaure une garde des forêt contre le feu au mois d'août 13/17

En Sardaigne, la Carta de Logu, promulguée en 1386, prévoit dans ses "Ordonnances du feu" l'obligation pour chaque citoyen de participer chaque année en juillet aux travaux de mise en place de coupe-feu autour des villes et des villages en éliminant arbustes et herbes 14/17

La prise de masures n'est pas propre au pourtour méditerranéen. Dans le coutumier des forêts de Normandie, rédigée par Henri de Chartres en 1398, il est prévu pour les usagers de la forêt de Gavray un service de lutte contre le feu en forêt 15/17

Entre les XIIIe et XVe siècles, on voit donc apparaître une attention particulière des autorités à la lutte contre les incendies de forêt, à la fois de façon préventive et répressive. Une tendance qui va en s'accentuant à l'époque moderne. 16/17

De fait, la fin du Moyen Âge est bien un moment de basculement dans la gestion des incendies, une gestion sans moyen technique et qui mise tout ou presque sur la prévention et les bonnes pratiques ! 17/17

Difficile d'établir une bibliographie, j'ai glané des informations au fil de lectures multiples, mais je dois beaucoup à cet article de Vincent Clément. Pour l'époque moderne et contemporaine, voir les travaux d'Henri Amouric sur la forêt provençale https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2005-4-page-289.htm?contenu=article