Nathan Rousselot

Rien ne va dans cette vidéo qui relaie complaisamment les "thèses" d'un faussaire espagnol d'extrême droite. Avant d'apporter une réponse collective plus complète, quelques "débunkages" 🧵 https://t.co/qS8NDObjSf

1. Tout d'abord, la présentation d'une droite espagnole démocratique, innocente et persécutée. C'est faire l'impasse sur toutes les conspirations contre la Seconde République dès son instauration :

Exit le coup d'État manqué du général Sanjurjo de 1932, appuyé par les monarchistes espagnols.
Exit les conspirations des monarchistes espagnols, financés par l'Italie fasciste dès 1934.

Exit aussi les projets de coup d'État durant la campagne électorale de 1935-1936 visant à empêcher la gauche d'arriver au pouvoir, approuvés par le leader de la droite catholique (CEDA) José María Gil Robles et auxquels participe déjà le général Franco.

Exit également la "stratégie de la tension" développée par la Falange Española, le parti fasciste espagnol, durant le printemps 1936 avec de nombreux attentats (dont celui qui manque de tuer Jimenez de Asua, professeur de droit et socialiste modéré).

Sans parler de la présentation de José Calvo Sotelo comme leader de la "droite modérée", quand il s'agit du leader de l'extrême droite monarchiste qui n'a alors rien à envier à l'Action Française et prône l'instauration d'un État totalitaire.

2. Quant aux violences qui ont lieu durant la Seconde République et que Pío Moa attribue à la gauche, elles ont largement été étudiées par des historiens sérieux qui nuancent leur importance (elles sont largement exagérées par les droites à l'époque).

On renverra notamment aux travaux d'Eduardo Gonzalez Calleja et de Rafael Cruz:
Le premier : https://journals.openedition.org/mcv/3825

Et le second : https://t.co/22jwU6beOL

Durant la période la plus décriée (février-juillet 1936), les victimes des violences sont avant tout des militants de gauche qui tombent sous les balles des forces de l'ordre en marge de manifestations qui, dans leur ensemble, sont majoritairement pacifiques.

Et si des militants de gauche tuent effectivement des militants d'extrême droite, c'est dans une spirale de violence alimentée par la Falange Espagnole.

Ainsi, l'assassinat de Calvo Sotelo le 13 juillet 1936 vise à venger l'assassinat la veille du lieutenant de la Garde d'Assaut José del Castillo, par ailleurs militant socialiste.

3. Restent les citations du leader de la gauche du PSOE, Largo Caballero. Tout d'abord, il faut distinguer les discours prônant la révolution d'actions qui visent véritablement à la préparer.

Les discours de Largo Caballero doivent être replacé dans un contexte de concurrence entre le syndicat socialiste UGT et le syndicat anarcho-syndicaliste CNT; mais aussi de concurrence internes pour le contrôle du PSOE entre la tendance centriste de Prieto et l'aile gauche.

Largo Caballero n'est pas le révolutionnaire dépeint par Pío Moa. Il a participé au gouvernement républicano-socialiste du premier Bieno, qui a réprimé les mobilisations anarchistes de 1931-1932.

Et dès son arrivée au pouvoir à la tête du gouvernement de Frente Popular, en septembre 1936, au début de la guerre civile, il s'efforce de mettre fin à la révolution espagnole en restaurant l'État républicain.

Et si des historiens critiques du PSOE évoquent bien le développement d'une "rhétorique intransigeante" qui aurait compromis l'approfondissement de la démocratie libérale sous la Seconde République espagnole (Fernando del Rey ou Gabriel Ranzato par exemple)...

... ils n'en concluent pas pour autant que le PSOE revêt la responsabilité de la guerre civile espagnole. Au contraire, ils maintiennent que la responsabilité incontestable incombe aux militaires qui, avec le général Franco, se sont soulevés le 18 juillet 1936.

En se soulevant, ils rompent avec la légalité et rendent possible le recours à la violence. Une violence massive et préméditée, consubstantielle au coup d'État dont le but est de terroriser et de paralyser la gauche dans son ensemble (des anarchistes aux républicains).

Une violence qui fonde le régime franquiste, et que ce dernier camoufle en "rétablissement de l'ordre" en inventant un complot révolutionnaire imminent qui n'a jamais existé.

Une propagande que Pío Moa recycle aujourd'hui dans ses livres et que le Figaro, comme en 1936, relaie complaisamment.

Et évidemment, je souscris également à tous les éléments apportés par @Pierre__Salmon :
https://twitter.com/Pierre__Salmon/status/1558055655944093699?s=20&t=jvbVHE24nJoKxHvE27z1ig

Je vous invite aussi à lire ce fil très documenté sur le "modéré" Calvo Sotelo. Merci @BounouaSamy !

https://twitter.com/BounouaSamy/status/1558246063110344706?t=3pxvuZrGuzNHexBx29WBTA&s=19

En complément : je suis allé jeter un oeil à l'entretien que Pío Moa a accordé au Figaro Histoire.

https://twitter.com/NRousselot_hist/status/1558416748663263234?s=20&t=87yXki1-N3s3YTcMqdnJnQ

Sat Aug 13 11:35:54 +0000 2022