Histoire(s) de Tchernobyl
@TchernobylFR
Mon Jul 08 12:22:26 +0000 2019

Ce sondage est très instructif : près de 9 personnes sur 10 pensent que les autorités françaises ont "menti à la population en lui faisant croire que le nuage de #Tchernobyl s'était arrêté à la frontière" (https://t.co/ZYSa4Or1Lk)
Et si je vous disais que c'est un mythe? #thread https://t.co/80BbYxJjuL

Si je vous demandais de retrouver une déclaration émanant des autorités françaises affirmant que le nuage n'est jamais passé sur notre pays car bloqué par des vents contraires, vous ne le trouveriez pas.
Tout simplement parce qu'aucune communication officielle n'a dit cela.

Cette croyance populaire tire son origine d'un mélange de plusieurs éléments biaisés ou sortis de leur contexte, et doit sa persistance tantôt à des médias en quête de scandale, tantôt aux humoristes, tantôt à certains politiques ou associations anti-nucléaires. https://t.co/lubq8k96J5

L'ingrédient peut-être le plus symbolique de cette rumeur est ce bulletin météo de Brigitte Simonetta au 20h sur Antenne 2 le 30/04/1986, alors que l’U.R.S.S. venait tout juste d’annoncer l'accident sans donner aucun détail. https://t.co/7hSaAOHqYt

✅ Ce qui est dit : l’anticyclone des Açores protège la France, ce qui était correct jusqu'alors, et selon les prévisions les choses allaient rester ainsi pendant trois jours (jusqu'au 2 mai). Ce sont des PRÉVISIONS météo avec les moyens de l'époque, et ce pour 3 jours seulement.

❌ Ce que le grand public a retenu : seulement le panneau "stop" (un peu grotesque il faut l'avouer) qui illustrait simplement le propos de la speakerine. En le sortant de son contexte, il est perçu à tort comme un instrument de déni du passage du nuage radioactif. https://t.co/hf3xz4ExWb

En réalité, tout le monde le sait maintenant, le nuage est bien passé sur pratiquement toute la France. Le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), dirigé par le professeur Pellerin, a effectué des relevés quotidiens dès le 29/04. https://t.co/W9vJHOQJPA

Ces relevés étaient suivis chaque jour d'un communiqué de presse transmis :
- aux ministres,
- à la Sécurité Civile,
- à l’IPSN,
- au SCSIN,
- à la DGS,
- aux agences de presse AFP, REUTER et ASSOCIATED PRESS.

Il faut cependant souligner que pendant les 1ers jours, le SCPRI n'a pas donné les chiffres détaillés des relevés de radioactivité, seulement des pourcentages de radionucléides. Certains journalistes ont pu prendre cela pour de la dissimulation.

Faisons l'historique des communiqués.
Communiqué du SCPRI le 29/04 : RAS en France. Seul un prélèvement effectué sur un avion provenant de l'Est révèle des radionucléides émanant de la centrale accidentée. https://t.co/Yu6tWFeqF2

Communiqué le 30/04 à 16h : toujours RAS en France.
A 20h, autre communiqué : légère augmentation de la radioactivité dans le sud-est. Autrement dit, le nuage arrive. Cela concorde avec cette vidéo réalisée par l'IRSN. https://t.co/04QSGsy5Dx

Le 1er mai, férié, pas de parution presse. C'est pourtant ce jour-là que le gros du nuage passe en France. Le SCPRI publie tout de même un communiqué qui indique que la radioactivité est présente sur toute la France mais sans danger pour la santé publique. https://t.co/Lh4LbIgl7i

D'ailleurs, et c'est important, Libé le mentionne (en tout petit) dès le lendemain 2 mai. A noter que le 1er mai 1986 tombant un jeudi, la plupart des Français, y compris les services publics, font le pont. Les ministères sont vides. En gros l'info passe presque inaperçue. https://t.co/yhrmW9zJmc

Le 2 mai, un communiqué du SCPRI précise que la radioactivité atmosphérique observée est très en-dessous des seuils de dangerosité, ce qui exclut le recours aux pastilles d'iode (censées prévenir les cancers de la thyroïde). https://t.co/PBwI9uXSSD

Les 3, 4 et 5 mai, les communiqués expliquent que la radioactivité relevée dans l'air diminue et revient à la normale. Le nuage est parti. On maintient cependant la surveillance vis-à-vis de l'éventuelle contamination des aliments. Aucune mesure sanitaire n'est justifiée.

Le 6 mai, le gouvernement, qui est resté trop silencieux sur cette affaire, fait une bourde : le ministère de l'Agriculture publie un communiqué contenant une tournure de phrase très maladroite. https://t.co/ruwZum0SmX

La 1ère phrase laisse entendre que le nuage n'a pas touché la France, alors que la suivante dit exactement le contraire ("les hausses
observées de radioactivité"). Bien sûr, l'esprit global de ce texte n'est pas de nier le passage du nuage mais de confirmer l'absence de danger.

Mais l'opposition, et notamment les anti-nucléaires, ne retiendront que la 1ère phrase et la sortiront de son contexte pour crier au mensonge.

Les jours qui suivent (à partir du 7 mai), certains articles de presse commencent à paraître, qui remettent en cause la transparence du SCPRI et du pouvoir en place vis-à-vis des conséquences de Tchernobyl. Les graines de la contestation commencent à être plantées.

Dans les médias, le manque d'information du gouvernement (qui, par incompétence, s'est effectivement muré dans le silence), devient de la "désinformation", puis du "mensonge d'Etat". Le 10 mai, le Pr Pellerin fait une interview quelque peu ratée à la TV... https://t.co/peye4VVnef

...et à partir du 11-12 mai, c'est parti, la presse s'en donne à coeur-joie : "Le choc du nuage", "Mensonge radioactif", "On a le droit de savoir",etc. Le SCPRI et le Pr Pellerin sont accusés de tous les maux alors qu'ils ont fait leur travail, y compris pendant les ponts de mai. https://t.co/OoWRwHZBeV

En réalité, c'est plutôt le silence du gouvernement qui est à blâmer. Ce silence provient d'une multitude de facteurs un peu longs à développer ici. Si la communication avait été plus efficace, la défiance n'aurait sans doute pas été aussi forte.

Le Pr Pellerin a endossé plus ou moins efficacement le rôle que le gouvernement n'a pas tenu, et a dû payer les pots cassés. Aucune décision de justice ne l'a reconnu coupable d'une quelconque dissimulation. Il est décédé en 2013.

PERSONNE du côté des institutions ou du pouvoir n'a dit après coup que le nuage s'était arrêté à la frontière et avait évité la France. Il ne s'agit que d'une rumeur colportée régulièrement depuis, y compris par des personnalités et médias influents.

Il y a encore pas mal de choses à raconter sur le déroulement de la médiatisation en France de Tchernobyl, mais ce sera pour une autre fois.
Merci d'avoir lu jusqu'ici ! 🙂
Sources/en savoir plus :
https://t.co/Zf5st0OhFz
https://t.co/LmUOaweYnb
https://t.co/zZPgMtz4m5

Après avoir lu ce thread, vos cheveux risquent de se hérisser à la lecture de ces citations de journalistes à l'occasion du 10e anniversaire de Tchernobyl... 🤕 https://t.co/Ja5f9qmqw7

On notera que Libération, dans son article "scandale" du 12 mai disant que le gouvernement a menti et que le nuage est bien passé, oublie qu'il publiait lui-même le 2 mai une brève indiquant le passage du nuage... #facepalm https://t.co/fF7NnMz4y9

La suite ici ⬇️⬇️
https://t.co/xfsraOUkMe

Wed Jul 10 13:52:27 +0000 2019