19 août 2008, une somalienne participe au 200 mètres lors des JO de Pékin. Samia Yusuf Omar, à peine 17 ans, termine dernière, 10 secondes derrière la première. La foule l’encourage et n’a d’yeux que pour cette jeune femme qui va tragiquement disparaitre, 4 ans plus tard.
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Samia Yusuf Omar née le 30 avril 1991. Elle est la benjamine d’une famille de six enfants. 1991, c’est aussi l’année où la guerre civile éclate en Somalie. https://t.co/YI4q96zQp3
16 ans plus tard, la vie de Samia bascule. Alors qu’il travaille, son père est tué sur le marché de Bakara, le plus grand de Mogadiscio. L’adolescente cesse sa scolarité pour s’occuper de ses frères et sœurs. Permettant ainsi à sa mère de gérer l’épicerie familiale. https://t.co/g5csBmggCp
Elle commence également à la course à pied. Elle voltige sur un chemin pavé d’embuches. La Somalie n’est pas vraiment un endroit propice pour l'épanouissement des femmes et encore moins des femmes sportives, qui s’affranchissent des codes de l’époque. https://t.co/BC7Sou1eTo
Car la région est aux mains d'al-Shabab, groupe terroriste islamiste somalien. Les fanatiques veulent imposer la charia. Samia est harcelée, ciblée en tant qu’athlète et femme. On la menace de mort si elle ne s'arrête pas de faire du sport. https://t.co/qjkDF1IWXk
Elle s'entraîne tout de même, essayant tant bien que mal d'éviter les points de contrôle, évitant le stade, de toute façon ravagé par la guerre. En mai 2008 elle participe au 100 mètres des Championnats d'Afrique d'athlétisme, qu’elle termine en dernière position. https://t.co/63Jd6QnoKa
Il n’y a pas pléthore d'athlètes en Somalie et encore moins chez les féminines. Elle est appelée à participer aux Jeux Olympiques de Pékin 2008, avec un autre compatriote. Elle n’a pas de chaussures de course et sa fédération ne lui en a pas donné. https://t.co/SyoIn2IpmV
Finalement, l'équipe d'athlétisme soudanaise va lui prêter une paire. Samia s’élance. Elle réalise un temps de 32,16 secondes, son record personnel, 10 seconde derrière la première concurrente. La foule acclame cette jeune femme frêle au visage poupon .
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Elle déclare : “Je suis contente. Les gens m'ont encouragée avec leurs acclamations, c'était très bien. Mais j'aurais aimé être applaudie pour avoir gagné, et non parce que j'avais besoin d'encouragement. Je ferai de mon mieux pour ne pas être la dernière, la prochaine fois.” https://t.co/mkcHUBSB53
Elle masque un réel dépit. Elle refuse de dîner le soir même. Elle déclare à son entourage au téléphone que non seulement elle ira aux JO de Londres, mais qu’elle y ira pour l’emporter, cette fois. Le rendez-vous est pris et ce sera désormais sa priorité. https://t.co/aCu4xG2kVI
Elle retourne en Somalie. Là-bas elle retourne immédiatement à l'anonymat: la course avait lieu à minuit et ni la radio, ni la télévision n’en ont parlé. Il valait peut-être mieux, les islamistes auraient encore moins bien accepté sa présence. https://t.co/VBKgBvk96L
Leur influence s’accroit. Ils interdisent d'accès des zones entière de la capitale, Mogadiscio, mettent des points de contrôle pratiquement à chaque kilomètre, interdisent le sport et font pression sur les athlètes pour qu’ils rejoignent leurs rangs.
En plus de ça, la guerre rend impossible le commerce de la mère de Samia. En décembre 2009, La famille déménage dans un camp de réfugiés à vingt kilomètres de Mogadiscio. Là bas, Samia décide qu’il est temps de quitter son pays vers un lieu plus propice à son entrainement. https://t.co/Esz8VGapiY
Sa famille tente, en vain, de la dissuader de partir. Alors en 2010, elle se rend à Addis-Abeba, en Éthiopie, pays voisin, où habite sa tante Mariam.
Elle est impatiente de commencer l'entraînement mais déchante immédiatement : il n’y a aucune installation sportive réservée aux femmes. Elle prépare son voyage vers l’Italie.
Elle va suivre les pas de sa sœur Hodan, qui vit désormais en Finlande : départ d'Addis Abeba (Ethiopie), passage par Khartoum (Soudan), et traversée du désert du Sahara, jusqu’à Tripoli (Libye). Elle donne parfois des nouvelles à sa sœur ou via son compte Facebook. https://t.co/d1Lxg8m3al
En Libye, elle est kidnappée. Dans ce pays alors frappé par la guerre civile, elle va rester plusieurs mois, sans qu’on sache bien s’il y a eu rançon et si elle a été versée ou pas. Elle donne des nouvelles à Teresa Krug, journaliste qui voulait écrire un livre sur elle : https://t.co/PdKk6H3DSA
“Dans le dernier message qu'elle m'a envoyé, elle a dit qu'elle était en prison, qu'elle était très malade mais qu'elle se sentait mieux maintenant”.
Elle arrive au bord de la méditerranée en avril 2012.
Elle va prendre le bateau, cap sur l’Italie. Sa mère tente de l’en dissuader mais elle répond au téléphone : 'Maman, je vais en Italie. C'est un voyage difficile, mais je vais tenter ma chance. Prie pour moi. Tu me manques, mais nous serons bientôt réunis en Europe”
Elle embarque dans un fragile esquif de 70 personnes, pour un continent où elle ne connait pas grand monde. A mi-parcours, le moteur s'arrête. Panne d'essence. Le bateau dérive.
Un navire de sauvetage italien les repère et part à leur rescousse. https://t.co/HmVPPta2N4
Les marins italiens jettent des cordes de sauvetage. Une erreur, car la panique s’installe, les migrants se battent pour saisir les cordes et embarquer. Des corps sont jetés violemment à l’eau dans ce chaos brutal. https://t.co/gkeya7XNbu
Omar fait partie des sept personnes qui tentent en vain de rejoindre leur bateau à la nage. Naturellement chétive, fatiguée par de longs mois de captivité, elle se débat puis coule et se noie. Son corps ne sera pas repêché.
Elle avait 21 ans. https://t.co/Tg7SoGa0SI
Personne n’entendra parler de cet évènement, avant que son compatriote somalien, Abdi Bile, médaillé d'or au 1500 mètres aux Championnats du monde 1987 à Rome, annonce publiquement, en aout 2012, la mort de Samia Yusuf Omar, devant le Comité olympique somalien. https://t.co/lDQE9fec5K
Quelques années plus tôt, avant d’être chassée par la guerre et l’islamisme, elle déclarait son amour à son pays: “J'aime la Somalie, mais il n'y a pas de paix. Si la Somalie était en paix, ce serait le plus bel endroit où vivre au monde.”
#Fin https://t.co/hI2bXNS85r