Charles Ohlgusser

Pendant que l'été battait des records de chaleur, certains esprits se sont quant a eux chauffés pour atteindre des niveaux de températures rarement vus sur la question de l'expulsion des étrangers.

L'occasion de revenir sur la notion de "double peine".

THREAD ⬇️⬇️⬇️ https://t.co/522VNW4hEc

Initialement la question de l’expulsion, était régie par les articles  25  et suivants de l’ordonnance n°45-2658du 2 novembre 1945.
Cette ordonnance très imprécise a été complété par différentes lois pour en indiquer les modalités d'application au fil du temps. https://t.co/m7b5HBJ8UG

Sans revenir sur l'ensemble des modifications (plus d'une trentaine depuis 58), concentrons nous sur ce qui a été fait depuis les années 2000

En bref les étrangers en situation régulière commettant des infractions pénales peuvent être expulsés....dans une certaine mesure. https://t.co/7IrDIniCLW

En 1998 ne pouvaient être expulsés au regard de l’article 25:
- les mineurs de 18 ans
- les résidents en France depuis au moins l’âge de 10 ans
- les résidents sur le territoire depuis plus de 15 ans
- les résidents réguliers depuis plus de 10 ans (sauf étudiants)

- l’étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant français sous réserve d’une communauté de vie effective,
- les parents d’enfants français,
- les titulaires de rente d’accident du travail.

L'idée a toujours été de trouver un équilibre entre d'un coté l'intégration de l'étranger sur le territoire et la gravité de l'infraction commise (logique: on n'allait pas expulser un parent d'enfant français et séparer une famille pour un délit mineur par exemple). https://t.co/izrlT0fzgj

Sur la peine maintenant, il fallait une condamnation définitive au moins égale A UN AN DE PRISON SANS SURSIS et dans certains des cas précédents (mariage, parents d’enfants, titulaires de rente) A UNE PEINE DE 5 ANS, pour que l'expulsion soit prononcée. https://t.co/10oEw7wxD1

On adapte donc: plus l'étranger est intégré, plus l'infraction doit être grave pour l'expulser. C'est le principe de proportionnalité. Mais cela revenait malgré tout à une double peine.

L'étranger condamné qui a purgé sa peine a logiquement payé sa dette a la société.

Entamer une procédure d'expulsion avec les conséquences qu'elle induit (séparation familiale, perte d'attaches, perte d'emploi etc) s'apparentait à une sanction supplémentaire. Et le cumul sanction pénale + sanction administrative était parfois très violent. https://t.co/H83qm85wOw

Ainsi la loi du n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 est venue atténuer cette double peine et notamment l'article 25 de l'ordonnance en prévoyant qu'en toute circonstances la peine prononcée doit être MONTEE A 5 ANS pour initier une procédure d'expulsion https://t.co/w3FFPWI8qR

Cela s'explique par le fait que les infractions passibles de 5 ans de prisons sont moins nombreuses. Par effet de levier, cela devait donc éviter l'expulsion pour certains types de délits (par ex la conduite en état d'ivresse est passible de 2 ans de prison). https://t.co/bCAGLVDt4f

FUN FACT: cet assouplissement était un souhait politique fort du Ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy.
Je n'oserai évidemment pas dire que pour nombre de spécialistes, le Ministre actuel réussit l'exploit de faire regretter son prédécesseur.😬 https://t.co/BKSLlbiVus

Bien sûr, l'article 26 excluait comme c'était déjà le cas auparavant ces dispositions dans des cas particuliers: atteintes aux intérêts fondamentaux de l'Etat et terrorisme (sur 131-30-2 CP), provocation à la discrimination (ce dernier point visant surtout les prêcheurs radicaux)

Seules certaines catégories très restreintes de personnes n'étaient pas expulsables même dans ces cas (peu ou prou toujours les mêmes a ce jour, on y vient).

Finalement, L’ordonnance du 2 novembre 1945 est abrogée par l’ordonnance n° 2004-1248 du 25 novembre 2004 (article 4), qui la codifie.

Depuis les années 2010, des modifications légales plus sévères sont intervenues jusqu'au droit actuel.

Alors que dit-il?

Eh bien voici! https://t.co/69ZaJUTzuF

Accrochez-vous:

L'article 631-1 du CESEDA prévoit donc que l'expulsion est possible:

1)🔴En cas de MENACE GRAVE à l'ordre public (notez qu'une menace n'est pas forcément un acte commis, il peut être hypothétique).

Pour savoir ce qu'est une menace grave ⬇️ https://t.co/0JmDPHoHw5

🟢Exception:
Elles sont citées à l'article 631-2:
- Parents d'enfants FR qui contribuent a son entretien + éduc.
- Mariage 3 ans avec FR + communauté de vie
- résidents réguliers + 10 ans.
- rente accident travail

🔴 Exception à l'exception
Est malgré tout expulsable
- l'étrangers en situation de polygamie.
- ou ayant été condamnés à une peine de prison ferme supérieure ou égale à 5 ans (tjs pareil).
- En cas de nécessité impérieuse pour la sureté de l'Etat ( stups, terrorisme, violence) https://t.co/XkeiWg1msU

Pour plus de détails sur la nécessité impérieuse pour la sureté de l'Etat⬇️ https://t.co/pbeKsYv6sV

Vous suivez?
on enchaîne:

- DEUXIEME PRINCIPE - 631-3 CESEDA

🔴En cas d'Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, terrorisme et appel à la discrimination
Il s'agit des cas les plus graves, c'est assez explicite

En théorie, elles concernent les super vilains. https://t.co/74l7RO6jfe

🟢Exceptions:
- résident sur le territoire depuis l'âge de 13 ans
- résident depuis + de 20 ans
- 4 ans de mariage (avec Fr ou étranger sur le territoire depuis l'âge de 13 ans) + résidence 10 ans + communauté de vie
- résidence 10 ans + parent d'un mineur FR
- impératif santé.

Ainsi, à l'écoute des orientations données dans la presse, il semble que ce soit ces dernières catégories d'exception que le Ministre souhaite supprimer. Il les nomme "verrous".

Mais comme on le voit, les infractions initiales sont sensées être plutôt "rares"...(ou médiatiques) https://t.co/D0Yixxq0Bu

Et qui touchent des personnes particulièrement bien intégrées qui n'ont plus vraiment d'attaches avec leur pays d'origine. Surtout, nombre d'entre elles sont allées à l'école de la République.
Le problème donc est éminemment plus complexe. https://t.co/dzFqh23XOh

Enfin, il faut noter que le critère d'appel à la discrimination (qui visait principalement les prêcheurs radicaux) est désormais utilisé fréquemment pour qualifier des posts sur les réseaux sociaux
Or ces dérapages sont rarement sanctionnés pénalement par du ferme. https://t.co/qQJRJc6eXB

Résultat: dans certains cas un condamné pour trafic en bande organisé pourrait être moins facilement expulsable qu'un jeune majeur s'étant égaré sur twitter.

Il y a donc actuellement une décorrélation entre sanctions pénales et administratives qui semble davantage prioritaire. https://t.co/k3UBnbliNl

Un exemple avec l’affaire Hassan Iquioussen:

Sur l’article 631-3 (appel à la discrimination). Le Conseil d’Etat opère en référé un contrôle de proportionnalité

Pour y voir clair voici en lien le commentaire très clair de @Juston_Pierre sur la décision.

https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/limam-hassan-iquioussen-expulse-pourquoi-le-conseil-detat-a-t-il-annule-la-precedente-decision?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&Echobox=1661883885&fbclid=IwAR0QFAYvOYcHKO82TxcaTNenCSw7J__TmUlbSRsaAJNWe-15JKwNPbEWExQ#xtor=CS2-4

En bref, dans son ordonnance le Conseil d’Etat analyse d’abord les faits reprochés:

Sur ses positions relatives au terrorisme il estime que les éléments produits par le Ministre ne caractérisent pas suffisamment une provocation à la haine à la discrimination ou à la violence https://t.co/exceY0Czf9

MAIS, concernant les propos antisemites, il estime que malgré des excuses, leur contenu est toujours en ligne et qu’ils ont été réitérés.
Qu’un discours sur l’infériorité des femmes est également développé.

Pour le CE il s’agit bien d’appels à la discrimination. https://t.co/YzQUCfXKa6

Ce motif d’expulsion étant constaté, le CE opère alors un contrôle de proportionnalité avec la situation de famille.

Le cas un peu particulier du dossier était qu’Hassan Iquioussen avait eu la nationalité française avant de la répudier.

Ses enfants FR sont par ailleurs majeurs https://t.co/XHJ1lraAyO

Contrôle opéré, le CE estime que la mesure d’expulsion n’est pas disproportionnée au regard des critères légaux prévus par l’article L631-3 https://t.co/sN11LeiGJq

Vous le voyez en référé (ce n’est pas jugé au fond) le CE a fait une analyse complète de la loi et des critères pouvant conduire à une expulsion.

La loi paraît plutôt équilibrée sur ce point, en ce qui concerne l’éloignement des prêcheurs radicaux.

Thu Sep 01 08:36:38 +0000 2022