Florence G'sell
@flogsell
Sun Jan 10 13:17:24 +0000 2021

Le 8 janvier, Twitter a décidé de suspendre de manière permanente le compte du Président Donald Trump. Les motifs de cette décision ont été précisés par le réseau social.
https://t.co/9JtQ8FYqHM
1/35

Paradoxalement, les deux tweets invoqués par Twitter ne paraissent pas appeler directement à la violence. Mais ils suivent une longue succession de tweets contestables et des violences au Capitole auxquelles Trump paraît avoir directement appelé.
2/35

Trump semblait avoir déjà appelé à la sédition, cf en avril, face aux décisions de confinement prises par les gouverneurs du Minnesota, du Michigan ou de Virginie : « Liberate Virginia and save your great 2nd Amendment. It is under siege!»
https://t.co/h6gn4Y8NdJ
3/35

Et de fait, des manifestants armés jusqu’aux dents avaient, à l’époque, pris d’assaut le Capitol du Michigan https://t.co/jDnl05Z7cE
4/35

Trump avait aussi tenu, en 2019, des propos menaçants lanceur d’alerte de l’affaire ukrainienne ce qui avait conduit Kamala Harris à demander la suspension de son compte - Twitter lui avait alors opposé une fin de non recevoir
https://t.co/O4bG0Qra4p
5/35

C’est d’ailleurs un sujet dont Warren et Harris avaient débattu lors des primaires démocrates. Elizabeth Warren avait répondu « non » à la question de savoir si Trump devrait être suspendu de Twitter.
https://t.co/CtFCMK7iu4
6/35

Dans ce contexte, la décision prise par Twitter en mai dernier de signaler les tweets de Trump a été accueillie avec soulagement par beaucoup, même si elle a rendu l’intéressé furieux
https://t.co/mglWvfhv5L
7/35

Mais Twitter avait-il le droit d’aller jusqu’à suspendre de manière permanente le compte du Président des Etats-Unis ? A priori oui. Car Donald Trump est un utilisateur du réseau social comme un autre, qui en a accepté les conditions d’utilisation.
8/35

On ajoutera qu’aux Etats-Unis, les plateformes n’engagent pas leur responsabilité civile lorsqu’elles décident de restreindre l’accès aux contenus postés par les utilisateurs, pas plus qu’elles ne sont responsables du fait de ces contenus (car elles ne sont qu’hébergeurs).
9/35

La section 230(c)(2)(A) du Communications Decency Act prévoit en effet que les plateformes peuvent restreindre l’accès aux contenus répréhensibles -y compris les contenus constitutionnellement protégés- à la condition de le faire de bonne foi
https://t.co/xBpepsDWuz
10/35

C’est d’ailleurs ce texte que Trump souhaitait modifier depuis mai dernier, afin de rendre les plateformes se livrant à des « activités éditoriales » responsables de leurs activités de modération: cf son « Executive Order » de mai 2020.
https://t.co/CMhOdEN6iC
11/35

La Federal Communications Commission vient toutefois d’annoncer qu’elle renonce à mettre en œuvre l’ordre de Trump sur ce point. Le dossier de la réforme de la section 230 est désormais sur le bureau de Biden.
https://t.co/HDLXA962wu
12/35

Cela signifie-t-il que les utilisateurs censurés par Twitter n’ont pas de recours ? Qu’ils ne peuvent invoquer leur droit à la liberté d’expression protégée par le Premier Amendement à la Constitution ? En réalité, les utilisateurs classiques ont peu de recours.
13/35

Le 1st Amendment protège les citoyens américains contre les atteintes à leur liberté d’expression par l’Etat et plus largement par les pouvoirs publics : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi restreignant la liberté d’expression »
https://t.co/SzzwPSM4Ks
14/35

Ce texte ne peut être opposé à une entreprise privée. Les juridictions américaines ont rejeté quasi-systématiquement les contestations portées des utilisateurs des réseaux sociaux, souvent des conservateurs s'estimant victime de biais.
https://t.co/kakYHjlYlf
15/35

Une Cour fédérale a rejeté, en 2020, les recours de l’activiste d’extrême-droite Laura Loomer et du groupe conservateur Freedom Watch contre Google, Facebook, Twitter et Apple au motif que le 1st Amendment ne peut être opposé à une personne privée.
https://t.co/zWIs70rwZ0
16/35

De même, la démocrate Tulsi Gabbard s’est vu répondre que le Premier Amendement ne pouvait être opposé à Google, qui n’est pas le gouvernement
https://t.co/MMD6qwWVnA
17/35

En 2019, la Cour Suprême a jugé que les acteurs privés étaient libres de modérer à leur discrétion les espaces de discussion qu’ils gèrent sans être soumis au Premier Amendement. Mais l’affaire portait sur une chaîne du câble, pas un réseau social.
https://t.co/bdcFIylDrl
18/35

Alors faudrait-il en rester là et supposer que Twitter peut suspendre le compte du Président des Etats-Unis sur le fondement de ses conditions d’utilisation, sans autre forme de procès ? Ce serait peut-être un peu rapide.
19/35

Car certains soutiennent que le compte sur lequel s’exprime le Président des Etats-Unis prend -de ce fait même- une coloration publique, même si la plateforme est administrée par une entreprise privée.
20/35

Autrement dit, les comptes détenus par les élus et les autorités publiques seraient des espaces contrôlés par le gouvernement et, à ce titre, soumis au Premier Amendement, peu important que l’architecture soit fournie par un acteur privé
https://t.co/G7cp4nCqMi
21/35

D’ailleurs, les tribunaux ont condamné Trump pour avoir « bloqué » des citoyens américains sur Twitter au motif que son compte est un « forum public », un espace public protégés par le Premier Amendement, auquel les citoyens doivent pouvoir accéder
https://t.co/1Iqnt1yUMC
22/35

Peu importe d’ailleurs que le compte de Trump soit originellement un compte privé, dès lors qu’il est clair pour tout le monde qu’il s’y exprime en tant que Président des Etats-Unis. Le Department of Justice l’avait confirmé dès 2017. 23/35

Twitter ne s’y est pas trompé, qui a mis en place des règles d’utilisation dérogatoires pour tous ceux qui exercent des responsabilités publiques dont les discours sont d’ « intérêt public » et doivent être connus des citoyens
https://t.co/mglWvfhv5L
24/35

La situation est paradoxale : d’un côté, Trump n’a pas le droit d’empêcher, en les bloquant, certains citoyens américains d’accéder à son compte mais, de l’autre, Twitter peut empêcher définitivement tous les citoyens américains d’accéder au compte de Trump.
25/35

Et au-delà des aspects purement juridiques, la suspension du compte de Trump reste une décision très audacieuse face à quelqu’un qui vient d’obtenir 74 millions de suffrages et avait environ 80 millions de followers.
26/35

L’on pourrait donc voir émerger une contestation fondée sur l’idée que les réseaux sociaux agissent comme des « state actors » lorsqu’ils hébergent des responsables publics, soumis au Premier Amendement. Les comptes des élus seraient alors protégés.
27/35

Mais il faut aussi songer que les plateformes américaines finissent par agir contre Trump après avoir longtemps été prises à partie sur la question de la modération. Souvenons-nous de ce discours de Sacha Baron Cohen qui a fait le tour du monde.
https://t.co/3Mtqa0lNu4
28/

Et c'est aux plateformes qu'il revient, ds le contexte US, d'agir contre les contenus répréhensibles sur les réseaux sociaux. Le Premier Amendement empêche précisément une réglementation trop poussée, surtout sur des contenus relevant du débat public.
29/35

Disons que l'on peut encadrer les discours les plus répréhensibles (terrorisme, pédophilie etc) mais que c'est le « marché des idées » qui prévaut, pour le reste.
https://t.co/OTBIwSUVrk
30/35

Il revient donc aux plateformes d’être responsables- « accountable »- et d’intervenir face aux propos les plus contestables, même si elles sont un certain intérêt à la polarisation des débats, qui accroit leur fréquentation et leur profitabilité.
31/35

Facebook a bien mis en place une « Cour Suprême » chargée de statuer sur les décisions de modération mais les critiques soulignent qu’elle manque d’indépendance et ne statue que sur les contenus supprimés- pas sur ceux qui restent en ligne.
https://t.co/hHMFn1WmNi
32/35

Certes, l’on peut souhaiter sur le principe qu’une décision aussi lourde que la suspension du compte du Président US soit prise par une autorité ayant davantage de légitimité qu’une entreprise privée gérant un réseau social. Ds le contexte américain, cela paraît compliqué.
33/35

Chez nous, le régime applicable aux comptes des élus et politiques reste encore à penser. Ce sont les conditions mêmes du débat démocratique qui sont en jeu. Sachant en outre qu’une exclusion de Twitter encourage la migration vers d’autres plateformes plus radicales. 34/35

On notera que la récente proposition de la Commission Européenne de Digital Services Act impose aux plateformes de mettre en place des mécanismes de recours en cas de suppression ou suspension.
https://t.co/bGLdGP7bR1
35/35

Ainsi s’achève mon premier « thread ». Je remercie @CorentinSellin de m’encourager et m’inciter à écrire. C’est un support nouveau pour moi, mais en 2021, tout est possible ! Vive Twitter 😉
36/35

Sun Jan 10 13:50:37 +0000 2021