J'ai parfois parlé d'avortement forcé sur ce compte et de contrôle des droits reproductifs, et j'ai l'impression que les gens ne comprennent pas quels leviers sont utilisés pour que cela se passe dans un cadre relativement légal (en tout cas, pas pénalement répréhensible).
Je vais parler ici de quelque chose que j'ai vécu (pour ceux qui ne le sauraient pas, c'est ce à quoi ce dessin fait référence). Je bloquerais toute personne qui se permettra de nier mon vécu, ou d'en rire.
Un avortement forcé, ce n'est pas le médecin qui pratique l'opération sans te demander ton avis. Je pense que ça peut arriver, notamment dans des cas de tutelle, mais ce n'est pas ce que j'ai vécu donc je n'en parlerai pas.
D'un point de vue légal, j'ai consenti à mon avortement. J'ai signé le papier qui le prouve. Ils n'ont rien à se reprocher. Maintenant, les faits...
Les faits, c'est le médecin généraliste et le psychiatre qui t'envoient directement au planning familial pour que tu puisses "connaître toutes les options parce que dans votre état ce n'est pas raisonnable il faut bien réfléchir", alors que tu venais pour ta première échographie.
(ou pour arrêter ton traitement dans le cas du psychiatre)
C'est *tous les membres* de ta famille qui t'appelle tous les jours pour te dire que tu ne fais pas le bon choix, que c'est pas ce que tu veux, que tu es trop instable sur tous les points pour te le permettre.
C'est l'assistante sociale et la gynécologue au planning familial qui ne te demandent même pas si tu veux le garder et partent du principe, quand tu dis que c'est le psy qui t'envoie, que tu veux avorter.
C'est tes parents qui te disent "Tu sais que si ça se reproduit trop souvent tu peux finir sous tutelle ?!" (Et la menace d'une tutelle, c'est contrôlant, aussi).
C'est tes parents qui viennent te chercher chez toi seule, interdisent à ton partenaire de monter dans la voiture, t'emmenent loin de chez toi et disent "si tu prends pas le rendez vous je le ferai à ta place".
[ pause pour dire que mes parents ont eu un comportement lamentable, mais pour des raisons qui ne regardent que moi et ma famille j'ai décidé de leur pardonner, et je bloquerais toute personne qui se permettra de les insulter, vous ne connaissez pas mon histoire familiale ]
C'est toi qui finit, en larmes, dans le bureau de la gynécologue, par signer ce foutu papier de consentement.
Une gynécologue qui t'engueule bien copieusement au passage.
Qui te dit que "dans ton état", c'est irresponsable de ne pas avoir de moyen de contraception.
Qui essaye de remettre une pièce dans la machine pour te forcer, cette fois, à porter un stérilet - comme tu seras sous anesthésie, générale, souvent, ça se fait.
Mêmes leviers utilisés : culpabilisation, utilisation de la maladie mentale pour justifier l'instabilité, tutelle..
Cette fois j'ai réussi à dire non, va savoir comment.
Tu te retrouves donc à faire le deuil d'un bébé que tu voulais garder, sans personne pour t'aider dans ton deuil, car tous les psys que tu vas croiser vont soutenir ceux qui t'ont forcé à avorter.
Tu te retrouves dans un état lamentable, encore pire qu'avant, parce que dans l'histoire tout le monde semble s'en tamponner le coquillard de ce que tu souhaites et de ce dont tu es capable.
Je fais ce thread maintenant, parce que j'ai vu passer les dessins d'un certain médecin de droite qui se gaussait sur le fait qu'on "devrait mettre en place un permis de procréer".
Trop drôle de voir un médecin vanner là dessus, vraiment.
Je ne sais pas comment finir ce thread. J'avais besoin que ça sorte.
Je n'ai pas besoin de courage, ni de soutien, ni d'empathie pour le moment. J'ai parlé de mon histoire pour illustrer un problème systémique, je ne suis pas le sujet.
Addentum : évidemment, je suis pour le droit à l'avortement pour tout le monde, sans condition. Je refuse que mon histoire soit instrumentalisée par les anti IVG, et si je parle de bébé ou d'enfant dans ce thread, c'est parce qu'on se projetait beaucoup.
Addentum 2 : ce focus sur l'avortement forcé s'inscrit dans une système global de désenfantement des personnes handicapées, qui se voient parfois retirer leurs enfants sans raison apparente (pensée particulière aux personnes handi racisées pour qui c'est double peine, encore)