Bonjour!
De retour au procès #Haurus pour le second jour d'audience
Une petite revue de presse pour commencer: @elsavigoureux et @L_heguiaphal ont rencontré le brigadier avant le procès https://t.co/TCIXkLXdDY
On lira également avec intérêt Le Parisien ou le compte-rendu de l'AFP https://t.co/o4x5voov1b
https://t.co/Zthu04w65m
L'audience devait reprendre à 9h30, les débats devraient donc redémarrer d'ici peu, les prévenus sont arrivés.
A noter, comme hier, l'absence (mais représenté), de Jojodelavega
L'audience reprend. Aujourd'hui, les questions vont tourner autour de l'usage de faux et les complicités
Dexx est appelé à la barre
La présidente relève qu'il avait été banni d'un forum du darknet.
- Je me suis inscrit en 2013, j'ai commencé à faire des faux en 2014, dit ce grand bonhomme mince au crâne rasé
Avec une fausse carte d'identité, il écoulait des faux chèques dans les supermarchés.
- Qu'est-ce que vous décide à les fabriquer vous même?, demande la présidente.
- Les difficultés financières, répond-il. Le prévenu mentionne également des crédits revolving.
- Au début, cela me rapportait pas grand-chose, dit-il. 20 à 30 euros par mois. Mais tout dépend de la qualité de la carte : une carte très bien contrefaite, cela vaut 300 euros.
- On se croirait sur Darty sur votre shop, s’étonne la présidente. Vous faites des promotions...
La présidente lit les nombreux équipements de contrefaçon acquis par Dexx. Sur la fin, le trafic lui rapportait beaucoup plus, quelques milliers d’euros par mois.
Dexx est contacté en 2018 par Haurus, pour un partenariat permettant de compléter l’offre du brigadier.
- Cela me permettait d’avoir un peu plus de clients, déclare Dexx.
Ils auraient eu une dizaine de clients ensemble.
- Vous étiez quand même l’un de ses interlocuteurs réguliers, remarque la présidente, qui doute de ce chiffre.
Les enquêteurs estiment que Dexx aurait gagné plus de 100000 euros. « Tout cela, vous l’avez flambé au fur et à mesure », observe la présidente.
La compagne de Dexx avait expliqué aux enquêteurs que les enfants du couple avaient par exemple des chaussures trouées.
- « L’argent appelle l’argent. C’était un engrenage », rapporte enfin Dexx.
- « C’était facile tout ça, on ne bouge pas de chez soi, avec son imprimante et son ordinateur », résume la présidente.
- « Vos clients, ce sont des délinquants », observe l’un des juges rapporteurs. « Vous vous rendez compte des dommages ? Des gens s’en servent pour commettre des délits, sinon des crimes, et grâce à vous ».
- « J’étais pris dans l’engrenage », répète Dexx.
- « Attendez, vous leur donnez des conseils, vous leur expliquez qu’il ne faut pas dépasser certaines sommes pour donner l’alerte », note la présidente.
La procureure Denis prend la parole. Elle l’interroge sur ses gains
- Il m’arrivait, au lieu d’être payé, de recevoir un ordinateur
- Mais c’est quand même un gain.
Dexx détaille son offre de faux chèques. Des One shot à utilisation unique, des Yes chèques (plusieurs chèques avec le même numéro de compte, mais plus risqués). Tous fabriqués avec des faux RIB, obtenus par un contact sur la messagerie Jabber.
Au tour de l’avocate de Dexx de poser des questions. Elle affirme que ce dernier agissait « à découvert ».
- « J’expédiais en lettre suivie, souvent depuis le même bureau de poste », dit-il.
- « Avec votre nom d’expéditeur ? », demande la présidente. Réponse négative.
L’avocate estime qu’on confond également recettes et bénéfices. Elle l’interroge sur sa marge finale, de 30 % à 50 %.
- « Oui, avec les achats de matériel, les achats de tutoriel pour m’améliorer – cela peut aller jusqu’à 3000 euros... ».
Quand Dexx reçoit sa famille, ce père de famille cache son matériel de contrefacteur chez un ami. Pour éviter les questions gênantes.
C’est l’un des points d’intérêt du procès : les profils de cette plongée judiciaire dans les shop illégaux français sont, à part CvGold, plutôt atypiques. Toutes proportions gardées, des sortes de Walter White.
La procureure Denis rappelle que Dexx s’était entendu avec un autre faussaire du dark pour réguler les prix des faux. Dans le commerce habituel, « une entente illicite », remarque-t-elle.
https://t.co/cmIg0Rt2O3.
Haurus revient à la barre pour s’expliquer sur les faux.
- « Je n’ai jamais fait de fausses cartes, dit Haurus. Mais des chèques. Quand j’ai racheté le shop de Mr Pepper, (faux chèques) je n’avais ni le temps ni l’envie de faire des fausses cartes, cela ne m’intéressait pas (....)
(...) Mais pour vendre des chèques, les autres vendeurs proposaient des packs avec la carte d’identité. C’est pour cela que je me suis tourné vers Dexx, qui se chargeait de la conception et de l’expédition des fausses cartes. »
Sur sa « vitrine », Haurus proposait également des permis de conduire (via Jojodelavega, puis Le Faussaire).
- « Je n’ai pas utilisé les fichiers de la police pour que Dexx puisse fabriquer des cartes d’identité. Il n’y a pas nécessité que ce soit de vraies infos (...)
(....), il faut que les infos de la CNI et du chèque correspondent. »
- « Cette carte ne peut pas fonctionner dans un contrôle de police ? », demande la présidente.
- « Oui, cela va tromper une caissière, répond Haurus. Pour les permis de conduire, c’est la même chose (...)
(...) Sinon la personne va s’orienter vers quelqu’un comme Jojodelavega qui proposait des choses plus élaborées. Sur le darknet, on peut ramasser des tonnes de fichiers. Oui, j’ai eu l’intention à un moment de faire des fausses cartes grises (...)
(....) C’était un projet d’extension, mais cela n’a pas été réalisé. Mais les fausses pièces, honnêtement, il faut avoir la patiente et la technicité. Jojodelavega m'avait dit qu'il passait parfois 4 heures sur un permis. »
Pendant quelques semaines, Jojodelavega disparaît. Haurus se tourne vers un autre fournisseur, Le Faussaire. Mais ses clients reviennent pour se plaindre de la qualité des faux.
- « J’étais dans une démarche commerciale. Mais j’ai rien inventé, le darknet et ces codes existent depuis des années. J’ai tenté quelques faux, mais c’était très mauvais. Je n’ai pas persisté, j’avais espoir que Jojodelavega revienne, ou qu’un autre faussaire soit dispo. »
Haurus revient sur l’épisode de l’achat du shop de Mr Pepper.
- « Il prenait sa retraite ? », demande la présidente.
- « Pas exactement. Le shop était vendu 10000 euros. Je me disais que je pourrais avec arrêter le dox », répond-il, et maintenir son CA.
La passation s’étale sur une dizaine de jours. Puis Mr Pepper lui donne ses codes d’accès sur le deep web. Mais la vente est un peu une arnaque.
- « Mr Pepper avait senti qu’il y avait un problème, analyse Haurus. Les chèques ne fonctionnaient plus aussi bien que par le passé. »
Avec la garantie de refaire un faux chèque qui n’est pas passé, Haurus se plaint de se retrouver à faire plus de service après-vente que de nouvelles commandes.
Du coup, Haurus se met aussi à proposer des tutoriels à plusieurs milliers d’euros pour apprendre à faire des faux chèques, pour tenter d’entrer dans ses frais.
- « Vous les escroquez, vous les formez à quelque chose qui va dans le mur ? », demande la présidente.
- « C’est exactement cela, plus il y aura de fabrication sur le darknet, moins cela marchera », répond franchement Haurus.
(Il n'y a pas eu de vente réalisée sur ce type de prestation).
Le matériel de faussaire d’Haurus tenait dans une petite boîte cachée sous le lit, dit-il, à l’insu de son compagnon. Haurus consacrait deux à trois heures par jour aux faux après dîner.
- « Et où était votre compagnon ? », demande la présidente.
- « Dans son bureau, il révisait. On avait une vie un peu coupée », répond Haurus.
- « Les faux chèques, il ne les a jamais vus ? »
- « Non ».
- « Mais cela vous a rapporté de l’argent que vous avez dépensé en commun », remarque la présidente.
« L’ironie du sort, c’est que vous fabriquez des faux chèques alors que vous êtes interdit bancaire », poursuit-elle. La présidente asticote depuis quelques minutes le prévenu sur les liens de ses activités délictuelles avec son compagnon (un des enjeux du procès pour ce couple).
Nouvelles questions de la procureure Denis. Elle revient sur son affirmation d’absence de consultation de fichiers de police pour des faux.
- « Sauf pour des faux permis fabriqués par Jojodelavega », se corrige Haurus.
- « Cette réponse me convient mieux ».
Un soir, Haurus demande un scan en haute résolution de son chéquier à son frère (sous le prétexte bidon d’une enquête de police) pour faire des meilleures matrices.
- « Je n’en suis pas fier aujourd’hui »
- « Il ne manquerait plus que cela », s’étouffe la procureure.
La présidente pose des questions sur les dépenses du ménage. Dont des cours de langue.
- « Dont du russe », souffle la procureure Denis.
- « Oui de russe, on voit bien l’allusion », répond aussitôt Haurus.
(Au cours de l’enquête, une proche du détective privé avait rapporté des confidences d’Haurus à ce dernier sur des clients russes dont il n’arrivait pas à se dépêtrer).
A propos des dépenses du couple, financées en partie avec les ventes illicites, et de son compagnon :
- « Mon but, c’était qu’il passe Assas, qu’il ait un avenir, c’est pourquoi je m’occupais de tout, déclare Haurus. C’est pour cela qu’il me faisait confiance. »
On revient sur ses échanges avec CvGold.
Ce dernier avait demandé s’il était possible d’avoir une copie d’une procédure judiciaire. Haurus explique avoir aussitôt refusé.
- « Il m’a demandé également s’il était possible de placer quelqu’un sur écoute. Je veux bien croire que j’ai été très loin, mais j’avais des limites. C’était largement faisable. »
CvGold sourit et hoche la tête en écoutant ses explications. Il avait également demandé de supprimer un nom du fichier des personnes recherchées.
- « Des demandes farfelues, j’en ai eu... »
Les débats se tournent vers la géolocalisation.
- « Il faut distinguer le bornage des fadettes (plus ou moins précis si on est en ville) de la géolocalisation en temps réel (fournie elle par Deveryware, précise Haurus (...)
(...) Je n’ai pas réalisé de placement en temps réel de géolocalisation, sans notion d’instantanéité. »
- « Vous l’avez fait parce qu’on ne vous a pas demandé, ou parce qu’il y avait votre barrière morale ? »
- « Un peu des deux. Et ça aurait pris du temps ».
- « Et parce qu’il faut une autorisation d’un magistrat », rappelle la procureure.
- « La société demande une réquisition mais pas une autorisation d’un magistrat », corrige Haurus.
Et le prévenu de souligner in fine qu’il existait des brèches.
Pas très rassurant, note en substance la présidente.
« Mais je prends mes responsabilités, je ne veux pas faire le procès de ma hiérarchie », ajoute Haurus aussitôt.
Au tour du compagnon d’être interrogé sur l’envoi de plis postaux.
- « La chose la plus anecdotique de ma journée », se souvient le compagnon d’Haurus, qui a bénéficié d’un non-lieu sur la fabrication des faux, tout en étant prévenu sur le recel des bénéfices.
- « Je ne suis pas faussaire, pour moi une imprimante est une imprimante, une broyeuse est une broyeuse. C’était sous le lit, c’était caché, je ne passais pas ma vie sous le lit. Je ne savais pas. Sur le train de vie, j’avais des doutes », dit le compagnon.
- « Vous pensiez que cela venait de sa relation avec le détective ? », demande la présidente.
Le prévenu répond en substance ne pas avoir cautionné et avoir craint qu’Haurus ne se mette en danger.
Un point met en difficulté le compagnon. Il a pris en photo de cartes bleues de clients étrangers venus dans le magasin de prêt à porter où il travaillait. A la demande d’Haurus, pour une enquête sur le darknet, assure-t-il.
- « Dans l’une des conversations, il est quand même question de faire cracher quelqu’un ? », demande la présidente.
- « C’était pour la faire cracher dans la boutique », répond le compagnon. « Tout simplement pour avoir fait une belle vente ».
« Bon, il ne s’agissait pas de la faire cracher pour… »
- « Je ne voudrais pas qu’on insiste alors que ma réponse est claire », coupe le prévenu (pas poursuivi pour une éventuelle escroquerie, non démontrée dans l'enquête, de cette nature).
L'interrogatoire est tendu.
- « Vous avez été sur le dark web ? », demande la présidente.
- « Et vous ? », répond du tac-au-tac le prévenu.
- « Mais quand même ! », s’emporte la procureure.
C’est en effet la présidente qui pose les questions.
- « Je n’ai pas d’appétence pour le numérique », finit par répondre le compagnon.
La procureure revient sur l’épisode des cartes #PingPong.
- « C’était une pratique de votre magasin ? »
- « Je n’ai pas compris la question ».
(...)
- « C’était dans le dossier, c’est incontournable » (procureure).
- « C’est incontournable que je ne me souviens pas » (prévenu).
- « Décidément, je comprends très mal vos réponses ».
- « Et moi, je comprends très mal vos questions ».
(...)
- « Tenez vous, il y a des limites à l’arrogance devant le tribunal »
- « Je ne suis pas arrogant, je ne comprends pas vos questions ».
Après quelques échanges, fin des questions de la procureure au compagnon d'Haurus.
Au tour de CvGold d'être interrogé
- « Quand on achète sur le net, on achète pas en son nom propre, on utilise une fausse identité pour recevoir le colis en point relais, explique, pédagogue, CvGold. Pour un drone, une commande Carrefour… »
- « Et cela passe par Carrefour ? », s’étonne la présidente.
- « Oui, il y avait une section de ventes flash, comme des parfums, sur Blackhand ».
La présidente questionne CvGold sur ses éventuelles demandes de mise sous écoute, de suppression du fichier FPR.
- « Je ne m’en souviens pas ».
- « Obtenir une procédure judiciaire, vous ne voyez pas...? »
- « Je n’en ai pas le souvenir de cette demande, poursuit CvGold. Haurus a sauvegardé les discussions. Si vous les retrouvez, on peut en parler. »
La présidente prend une discussion au hasard.
- « Il y a des commandes (de simples copiés collés affirme le prévenu) et des échanges », précise CvGold.
- « Donc c’était vous qui faites tous les paiements, donc vous savez tout ce qu’il se passe. »
On passe à Jojodelavega, l’absent du procès (mais représenté). La présidente rappelle une partie de la procédure contre ce prévenu, présenté comme un faussaire historique du dark net francophone
Les échanges sont un peu décousus, comme à chaque fois qu'un prévenu est absent. Son avocat échange depuis le fond de la salle avec la présidente.
Outre les faux documents, Jojodelavega est suspecté d'avoir fait du trafic de stupéfiants.
Son avocat précise qu'il a la garde de sa fille de cinq ans, ce qui expliquerait son absence au procès.
Le tribunal se penche maintenant sur les faux billets (avant la tentative d'extorsion).
Haurus conteste l'accusation de fabrication et d'écoulement de faux billets.
Un point important dans défense au vue de la peine encourue (dix ans d'emprisonnement). Pour rappel le 442-2 du code pénal:
https://t.co/N5KAVrkyzm
- « Il y a des conversations avec Jojodelavega sur les faux billets », remarque la présidente
- « Parce que c’était son quotidien », répond Haurus.
- « Il vous en a proposé ? »
- « Vous aviez trois billets que vous suspectiez d’être des faux, donc vous avez demandé à votre compagnon de les mettre dans la caisse ? »
- « Tout cela, c’est du putatif basé sur un message. Mais le magasin n’a jamais détecté de faux billet. On s’est fait un film. »
La procureure revient sur le message. Bon, ça commence mal, prévenu et parquet ne sont pas d’accord sur la date du message incriminant entre Haurus et son compagnon. Elle lit l'échange.
- « A la lecture, on comprend clairement que vous avez échangé des faux billets dans le magasin » du compagnon.
- « Où sont les billets ? », rétorque Haurus.
- « En droit pénal, la preuve est libre », répond la procureure.
Haurus revient sur l’une des gardes à vue à la DGSI, où, explique-t-il, il aurait craqué en avouant avoir acheté des faux billets sur le darknet pour protéger son compagnon, avant se rétracter ensuite.
La présidente synthétise les échanges. Haurus suspectait d’avoir reçu des faux billets lors de la conversion de bitcoins.
- « Ce n’est pas à moi d’apporter la preuve », conclut-il.
La défense rappelle qu'un détecteur de faux billets avait été installé dans le magasin où travaillait le compagnon d'Haurus.
- « En aucun cas, je n’ai eu la certitude que ces billets étaient faux », explique à la barre le compagnon. « Ce sont les enquêteurs qui parlaient de faux billets, je pensais donc qu’ils étaient faux. »
- « Ce n’était pas plus simple de contrôler les billets au détecteur de billets? », s’étonne l’un des juges rapporteurs.
L'audience est suspendue, reprise des débats cet après-midi.
Reprise des débats. La présidente regrette l'absence de nombreux conseils
Le tribunal rouvre les débats sur la tentative d'extorsion contre un autre habitué des forums du darknet
La victime, Widow (orthographe incertaine), est l’un des modérateurs de Blackhand.
- « Il y a toute une période où Jojodelavega était en conflit avec les administrateurs, explique Haurus. Après la scission, les conflits ont perduré » avec des bannissements et retour sur le forum
Puis, Haurus dit avoir reçu une demande de dox à partir d’une adresse IP. Le policier trouve la mère de Widow. Puis, en cherchant davantage, il trouve l’identité de Widow.
Après ce premier dox, c’est cette fois-ci Widow qui le sollicite pour des dox. Dont un qui concerne l’administratrice Blackhand.
- « Ils se sont doxés entre eux, ils étaient visiblement amoureux », poursuit Haurus.
- « Widow était assez agressif sur le forum, il étalait ses revenus illicites, ses vacances à Dubaï. Jojodelavega m’assure qu’il est blindé. »
Selon Haurus, Jojodelavega se rend au domicile de Widow. Seul souci : la demeure est protégée, il y aurait des chiens. D’où l’idée du chantage.
- « Avec la moitié de 50000 euros, pour moi c’est fini le darknet », ajoute Haurus, sans scrupules à l’idée de voler un délinquant.
Si Haurus et Jojodelavega auraient eu ensemble l'idée du chantage, c'est le premier qui a l'idée de rajouter une balle au courrier, pour rendre crédible la menace.
- "Et vous n'aviez pas l'intention de reverser la moitié des fonds à Jojodelavega?", demande la présidente.
- "Non, pour moi, je prenais les fonds et je disparaissais du darknet".
- « C’est le seul moment où j’ai brisé la barrière entre le réel et le virtuel », dit Haurus.
- « Et vous mettez une cartouche de votre père, gendarme, un mélange des genres dangereux », analyse la présidente.
C’est la mère de Widow qui ouvre la lettre.
- « Vous pensiez sérieusement qu’il allait vous verser les 50000 euros ? On a l’impression que ça allait crescendo. Ce genre de faits se rapproche de ceux que vous avez eu à traiter dans votre carrière », observe la présidente.
L’avocat de Jojodelavega questionne à son tour Haurus. Le juriste reprend Haurus sur les contradictions entre ses déclarations et celles de son client.
- « Vous mettez tout sur le dos de Jojodelavega », déplore-t-il.
- « Cette action était déterminée ensemble », rétorque Haurus.
Fin des débats sur ce point.
Le tribunal passe à l'examen de la personnalité des prévenus.
Depuis ses déboires judiciaires, Haurus est devenu conseiller funéraire dans une agence de pompes funèbres.
La présidente questionne Haurus sur l’autoédition de son livre sur les investigations en téléphonie mobile.
- « Durant l’instruction, je me suis rendu compte que les avocats ne maîtrisaient pas suffisamment ces investigations, dit Haurus (...)
(...) J’ai vécu cela comme un déséquilibre. La téléphonie peut constituer un enjeu important dans la procédure pénale. »
- « Comment déjouer les enquêtes de police ? », résume la présidente.
Rires sur les bancs des avocats.
- « Pas du tout, c’est un raccourci », répond Haurus.
- « Vous auriez été content en tant qu’enquêteur de la DGSI ? »
- « J’ai vécu cela comme un exercice de réinsertion. Pourquoi y voir du mal ? »
- « Si c’était que comment comprendre les enquêtes. Mais cela s’adresse également aux clients, comment déjouer. »
- « Je ne fais que rapporter au code de procédure pénale, aux avis de la Cnil, aux textes législatifs. Je ne dévoile strictement aucun secret. Et je suis bien aise que cela soit utile aux avocats. »
- « Vous l’avez bien vendu votre livre ? »
- « Je ne crois pas que cela soit le sujet. » Puis, sur l’insistance de la présidente, Haurus explique que ses revenus lui ont permis de régler ses frais d’avocats.
La présidente interroge le prévenu sur ses prises de parole.
- « Il y avait une auréole de secret, à un moment donné il faut que la parole se libère, que les policiers tentés de déraper… Mon erreur a été de m’enfermer. Ma famille n’avait pas connaissance de mon surendettement. »
La présidente fait ensuite référence à des dires de détenus, pendant la période de détention d’Haurus. Le prévenu s’échauffe, raconte sa période de détention, ses voisins (dont certains connus).
- « Mon tort a été de parler à un détenu, qui cherchait à faire parler. J’ai porté plainte contre lui pour dénonciation calomnieuse. Il s’est évertuer à raconter une fiction pour obtenir une remise de peine (...)
(...) Oui, vous vous confiez, c’est la vie en détention. »
- « Qu’est-ce que vous lui avez dit ? », demande alors la présidente.
- « Ce que je lui ai dit ne sortait pas du lot de l’instruction », répond-il.
La procureure évoque le changement de lieu de détention, pour signaler que, selon le renseignement pénitentiaire, le prévenu alors en détention provisoire renseignait d’autres détenus.
Puis la magistrate revient sur la violation du contrôle judiciaire de son compagnon, qui a valu à ce dernier un passage en détention. Les deux hommes, pacsés, avaient interdiction de se voir.
- « On avait espoir de pouvoir, à l’issue de l’instruction, de pouvoir reprendre une vie de couple normale, explique Haurus. On a pris ce risque parce que l’on s’aime. »
- « Ce que je retiens, c’est qu’on vous dit non, la cour d’appel non, et vous passez outre », observe la procureure Denis. « C’est symptomatique de votre rapport à la loi ? »
- « C’est symptomatique de mon rapport à mon conjoint ».
Me Bouzrou prend la parole. Il interroge son client sur les précédents littéraires d’anciens policiers et gendarmes.
- « Pensez vous qu’on leur reproche d’aider la délinquance ? »
- « Je ne pense pas maître ».
Fin de l'interrogatoire de personnalité d'Haurus, c'est le tour de son compagnon.
Ce dernier se destine à être juriste en droit international et économique.
L'une des juges rapporteurs a mal entendu et croit avoir entendu "numérique" (cf. échanges sur ce point hier).
- Vous avez un biais cognitif, s'amuse le prévenu.
- Non, mais le masque n'aide pas.
La procureure reprend la parole à propos de la date du message litigieux relatifs aux faux billets. Elle relève que cette conversation n'a pas pu avoir lieu après son départ de l'enseigne de prêt à porter. Donc pas fin 2018, comme suggéré par les prévenus.
La présidente l'interroge sur ses cours de russe.
- Plus besoin, j'ai les bases.
Le compagnon a fait en tout neuf mois de détention provisoire. Il finit par s'excuser auprès du tribunal pour son comportement un peu trop "exalté" à l'audience.
Au tour de Dexx
Puis c'est le détective qui vient à la barre.
Ce dernier, après une tentative d'exercice de la profession d'agent immobilier, a ouvert une auto entreprise de nettoyage.
Il a également passé un accord avec un autre détective sur l'utilisation de sa marque d'agence de privé (qui était bien référencée sur internet, comme souvent le nerf de la guerre)
- "J'ai consacré quinze ans de ma vie à ce métier que j'adore, regrette le détective. Le plus dur, ce n'est pas d'avoir perdu sa société, mais quand mes enfants me demandent ne pas venir les chercher parce qu'ils ont honte de moi."
Au tour de CvGold
C'est le seul prévenu à avoir un casier. La présidente lit les condamnations, il y en a beaucoup.
Il explique être invalide à 60% suite à un accident de la route.
- "Bon, quand même , vous êtes né en 69", donc pas si âgé, remarque la présidente.
- « Je paye à chaque fois mon passé », résume CvGold, à propos de ses condamnations.
- « Il était possible de faire appel », rétorque la présidente.
- « Avec vos enfants dehors, vous préférez ne pas faire appel » pour sortir plus vite.
Les enfants en question vivent aujourd'hui au Panama. Quant au prévenu, il est désormais à l'isolement aux Baumettes, à la demande du juge d'instruction en charge du volet marseillais de l'affaire.
Le tribunal passe à l'examen de la personnalité de Jojodelavega, au RSA.
C'est du coup son avocat qui en parle.
A l'origine, le prévenu bossait dans un supermarché. Avant des problèmes de santé...
- Vous plaiderez cela, maître, s'impatiente la présidente.
- Il souhaite faire une formation informatique. C'est une personnalité taiseuse, peu loquace. Dans son esprit, son contrôle judiciaire lui interdisait cette formation.
On arrive à la fin des débats. On apprend qu'Haurus avait déposé plainte pour violation du secret de l'instruction. Classée sans suite à l'été 2019. Me Bouzrou regrette de ne pas avoir été informé - et sur le fond, déplore l'échec des investigations.
Le tribunal a pris de l'avance, un peu trop. La seule partie civile présente n'est pas vraiment partante pour plaider. Le tribunal suspend du coup l'audience.
Le tribunal reprend.
Me Bouzrou suggère à la procureure de faire ses réquisitions dès ce soir, "puisque vous avez l'air de bien maîtriser le dossier". Nouvelle suspension dans la foulée.
Première partie civile à intervenir, un conseil (non identifié), pour Tariq Ramadan
- « Même s’il a consulté sa fiche TAJ pour avoir des informations sur Christelle, et tenté de consulter le fichier Cristina, cela porte un préjudice pour Tariq Ramadan, avec une connaissance d’informations qu’il n’avait pas à connaître ».
Pour cette atteinte à la vie privée et aux données personnelles, même s’il n’y a pas eu de distribution des informations collectées et que « Bidule7575 » n’ait pas été identifié, le conseil demande 1500 euros pour le préjudice moral.
Au tour de l'avocate représentant l'agent judiciaire de l'Etat de plaider.
Plus habituée à plaider pour solliciter, aux côtés d’un fonctionnaire, la réparation d’un préjudice. Pas cette fois.
- « Haurus, pendant deux ans, a usurpé ses fonctions, détourné des fichiers de police et monnayé contre rémunération. Aucune moralité et réflexions sur ses actes »
L’avocate déplore le discrédit « général » porté sur la profession des policiers, avec cette version 2.0 du flic ripoux, et demande une réparation de 1500 euros.
Nouvelle suspension en attendant l'arrivée de l'avocate de Christelle, l'une des plaignantes contre Tariq Ramadan
A noter donc que l'essentiel des personnes visées par les 382 recherches illégitimes ne se sont pas portées parties civiles (les familles des personnes décédées dans les règlements de comptes doivent l'être dans l'autre dossier)
L'avocate de Christelle rappelle les circonstances de son affaire l'opposant à Tariq Ramadan. Une affaire où elle tenait à son anonymat pour éviter un acharnement.
L’avocate de Christelle relève que si Haurus n’a pas donné l’information sur Christelle, il l’a confirmé à « Bidule7575 ». « C’est fondamental », relève la juriste.
- « On ne saura pas l’ampleur des échanges, puisqu’ils ont eu lieu sur Jabber », une messagerie sécurisée.
L'avocate relève qu'à la suite de la publication du dox, le nom de sa cliente sera rapporté à 84 reprises dans un ouvrage du prédicateur controversé. Le début, dit-elle, d'une campagne de violence numérique, avant de demander 5000 euros pour le préjudice.
Les débats sont clos, le procès se poursuit demain avec les réquisitions et les plaidoiries de la défense. Bonne soirée,