Vincent Jost

Suite à une petite discussion avec @InfosReseaux, @MrBidouille et @VersionNerd, je vais vous faire un petit thread sur le marché européen de l'#electricite (parce qu'il n'y a pas que les #trains qui sont intéressants dans ce bas monde !)

Pour commencer, le réseau électrique européen est composé de 43 réseaux de transport d'électricité, de 35 pays, l'@ENTSO_E.
A tout moment, sur ce réseau, la Production P doit être égale à la Consommation C.
C'est le fameux P=C

Sur le réseau, l'électricité est achetée et vendue sur une bourse par des "balance groups", qui doivent tous garantir qu'ils produisent et achètent autant d'électricité qu'ils en consomment et revendent. Sinon ils doivent payer des pénalités aux gestionnaires de réseaux.

Dans les balance groups, il y a beaucoup d'opérateurs qui ne font "que" du trading : ils achètent de l'électricité à des balance groups qui en produisent, et la revendent à des balance groups qui en consomment (les fournisseurs d'électricité).

Il y a aussi des acteurs tels qu'EDF, qui produisent de l'électricité et en revendent une grande partie à des utilisateurs (puisqu'ils sont fournisseurs). EDF peut aussi acheter ou vendre de l'électricité à d'autres balance groups pour équilibrer son P=C.

L'électricité est vendue et achetée à tous les horizons de temps, jusqu'à H-1. Chaque balance group affine donc progressivement ses prévisions de P et de C, notamment en fonction de la météo et des fermetures de centrales.

Aux frontières entre les pays, des droits de passage sont vendus, à hauteur de la capacité théorique des lignes transfrontalières entre 2 pays.

Par exemple, si des fournisseurs français souhaitent acheter de l'électricité allemande et que les lignes de liaison franco-allemandes ont une capacité maximale de 1MW, on pourra vendre, à chaque instant, plus de 1MW de droits de passage.

Si un Italien veut acheter à un Allemand, il choisit la route la moins chère : il peut passer par la France, la Suisse, ou l'Autriche, et paie à chaque fois deux droits de passage.

A partir de H-1, on arrive dans la gestion temps réel : les prévisions se confrontent à la réalité, et on doit toujours garantir le P=C. Pour cela, les gestionnaires de réseaux s'appuient sur des producteurs qui sont payés spécialement pour ajuster la production.

En temps réel, on fait turbiner ou pomper des barrages (le plus rapide), on allume ou on coupe des centrales au gaz, pour ajuster la production à la consommation.
Ce sont les pénalités des balance groups qui n'ont pas bien équilibré leur P=C qui servent à payer ces producteurs.

Concrètement, quand la consommation est trop élevée, la fréquence de l'électricité baisse dans le réseau (on passe de 50Hz à 49.9Hz dans toute l'Europe). C'est pour cela que dans les dispatchings, on a un grand afficheur qui indique la fréquence en temps réel.

Le problème des flux transfrontaliers est qu'ils sont fondamentalement imprévisibles et très difficiles à modéliser. Si la 🇫🇷 achète un droit pour 1MW à l'🇩🇪, on n'a en réalité qu'une partie qui passe réellement par les lignes frontalières entre ces deux pays.

Le reste contourne gentiment par la 🇧🇪, la🇨🇭, voire l'🇦🇹 et l'🇮🇹. Et on n'y peut rien ou pas grand chose (notons que l'on aurait pu acheter un droit de passage par la Belgique, et que le comportement électrique n'en aurait aucunement été modifié...).

Les gestionnaires du réseau en temps réel ont donc la lourde tâche de faire coïncider la réalité physique avec des modèles physico-économiques imparfaits.

L'équilibre du réseau en temps réel est un exercice difficile, avec des effets "château de cartes" très compliqués à enrayer, et des conséquences qui peuvent être catastrophiques. https://t.co/MfYxh2P6bB

Le plus souvent, heureusement, les conséquences sont assez minimes, quoique... https://t.co/cqLchsh1kg

Tue Sep 14 20:44:54 +0000 2021