Qui a fait le plus de morts entre le nazisme et le communisme… et est-ce vraiment la différence entre les deux ? ⤵️
Un truc avant toute discussion là dessus : l’objet ici n’est pas de réhabiliter l’une ou l’autre de ces idéologies. Chacune a fait des millions de morts et à mon avis, si vous utilisez "l’autre est pire" comme argument pour défendre la vôtre… votre boussole est sacrément cassée. https://t.co/NWoBXZGpIg
Ceci étant dit, allons-y. Bon, qui a fait le plus de morts entre le nazisme et le communisme ? Ben c’est facile, les nazis c’est 60 millions de morts, les communistes, 100 millions. Hop, emballé c’est pesé. Sauf qu’évidemment… c’est plus compliqué.
Déjà, le premier truc, c’est que, même si on accepte ces chiffres… 100 millions de morts depuis 1917, comparé à 60 millions en 12 ans de 1933 à 1945… l’un des deux semble bien plus meurtrier que l’autre.
Ensuite, parce que ce nombre de 100 millions pour le communisme, vient d’un bouquin, “le livre noir du communisme” extrêmement controversé. L'auteur principal, Stéphane Courtois (qui défend aussi la thèse du génocide vendéen), a été désavoué par ses co-auteurs.
Ils l’ont décrit comme étant obsédé par le fait d’arriver au nombre de 100 millions, simplement pour pouvoir en conclure que le communisme est pire que le nazisme. On sent l’honnêteté scientifique.
Je ne l'ai pas lu, mais il paraît qu’il comptabilise par exemple… les morts de l’invasion de la Pologne par les nazis. Pourquoi ? Au motif que l’URSS a laissé faire. A ce compte, on pourrait compter tous les morts du 20ème siècle…
Donc déjà, entre les “100 millions de morts” du communisme et les 60 millions de la seconde guerre mondiale, il y a clairement de l’overlap…
Et justement, s’adonner à un exercice de comptabilisation des morts pose des questions de méthodologie par dizaine : quand deux soldats enrôlés de force dans la Wehrmacht et l’armée rouge s’entretuent, on les comptabilise pour quel camp, le nazisme, le communisme, les deux ?
Les morts d’une famine organisée comme l’Holodomor sont assez clairement des morts de l’URSS. Mais pour d’autres situations, c’est beaucoup moins évident :
La famine soviétique de 1946, qui arrive parce que l’appareil productif de l’URSS s’est entièrement tourné vers la guerre, a été dévasté par elle, mais aussi par un choix tactique défensif (la terre brûlée) : c’est des morts du communisme… ou du nazisme ?
Doit-on compter les morts résultant d’une catastrophe naturelle que votre pays n’est pas prêt à gérer ? Quand les barrages du Banqiao, involontairement mal conçus, s’effondrent, doit-on compter les morts qui en résultent ?
Au Cambodge, Pol Pot et les Khmers rouges ont été délogés par les communistes vietnamiens. Morts du communisme ?
Quand Staline refuse de faire évacuer les civils de Stalingrad au motif que l’armée rouge sera plus motivée pour battre les nazis s'ils doivent défendre leurs familles, ça relève vraiment du communisme ? Ca relèverait pas plutôt du sadisme d’un homme ?
Les morts dans les usines chinoises qui fabriquent des composants pour iPhones, c’est des morts du communisme ? Après tout, même si n’importe quel communiste vous dira qu’elle ne l’est pas du tout, la Chine se revendique communiste…
La liste de ce genre d’exemples où la réponse est loin d’être évidente, parfois impossible, est sans fin. Ces problèmes méthodologiques existent aussi de l'autre côté évidemment.
En fait, même déterminer la cause d'une mort est parfois impossible : quelqu’un mort précocement, à 50 ans, d’une maladie bénigne, pcq il était fragile à cause des dégâts irréversibles des gaz ingérés et de la malnutrition dans l’armée 20 ans plus tôt : mort de la guerre ou pas ?
Ce qui mène aussi au fait que compter les morts, ce n’est pas compter les victimes. Une question qui est apparue encore plus clairement quand certains ont tenté l’exercice de compter les morts du capitalisme, avec les questions de pollution, d'accidentés du travail, etcaetera.
(Si on va tout au bout de cette réflexion, on arrive vite à un paradoxe connu : l’idée que pour minimiser la souffrance future, le mieux serait de tout tuer aujourd’hui, pcq ça fait beaucoup de souffrance, mais au moins ça en fait une quantité finie. On s’écarte du sujet, non ?)
Bref, on voit bien que cet exercice de comptabilité macabre est stérile… et c’est pas juste mon avis, mais celui d’à peu près tous les historiens qui n’ont pas pour objectif de défendre en creux l’une des deux idéologies en déterminant laquelle a la plus grosse (liste de morts)
Un truc qu'apparemment même les co-auteurs de Courtois défendent, c’est que même si on pouvait comptabiliser facilement les morts, et même si le communisme fait pire, ça ne veut pas dire qu’on peut mettre les deux idéologies sur un pied d’égalité comme Courtois tente de le faire.
Déjà, parce que de la même manière que le nazisme est un avatar des fascismes, il n’existe pas un seul communisme et on peut difficilement amalgamer des régimes aussi différents que ceux de l’URSS, de la RPC, du Burkina Faso, de Cuba, du Cambodge, de Madagascar, etc…
Ensuite et surtout, parce que même si on pouvait définir une idéologie fasciste qui mette tout le monde d’accord, et une idéologie communiste qui mette tout le monde d’accord, les fondements de l’un et de l’autre sont radicalement différents.
Toutes les visions du communisme ont pour fondement la fin de l'exploitation, l’égalité, etc, et la violence n’y est considérée que comme un moyen nécessaire pour vaincre les forces qui s’opposent à l’avènement de la société communiste.
A l’inverse, les régimes fascistes et le nazisme ont pour fondement une hiérarchie dans laquelle certains sont supérieurs, d’autres doivent être dominés et certains doivent être éliminés. Pour les nazis, c’étaient les juifs, les roms, les homosexuels, les handicapés.
Pour le dire plus trivialement, pour survivre à un régime communiste, ce n’est pas idéal mais il suffit de ne pas être opposé au régime ou à son chef. Alors que pour survivre aux nazis, il faut arrêter d’être juif, rom, homosexuel ou handicapé. Bonne chance pour ça...
Les cibles des communistes le sont pour ce qu’elles font (s’opposer au régime), là où celles des fascistes et des nazis le sont pour ce qu’elles sont.
Et cette différence fondamentale a une conséquence immédiate : il peut théoriquement exister un régime communiste qui ne tue personne, là où c’est impossible pour un régime fasciste.
Si demain, des extraterrestres arrivent et balancent une onde qui convertit tous les humains au communisme, toute la planète sera unifiée dans un but commun, avec personne à éliminer. Si on fait pareil avec n’importe quel fascisme, il faudra exterminer plein de gens.
Dans l’un des deux, les carnages sont une dérive, dans l’autre, c’est l’essence de l’idéologie. Dans l’un c’est un bug, dans l’autre c’est la feature.
Alors on peut penser, comme lui, par exemple, que toute tentative de régime communiste mènera inévitablement, mécaniquement à des morts à chaque fois… https://t.co/FMvhI6raPK
…à cause des moyens prônés, et à cause de la nature humaine, qui fait que sans mécanisme démocratique, le leader perd la tête parce qu’il est vite amené à penser que son avis = l’avis du peuple et l’intérêt de l’Etat, et que donc son maintien justifie toute exaction.
Mais force est de reconnaître que ce n’est pas que la faute de l’idéologie elle-même.
Et surtout, force est de reconnaître que ça vous oblige pas à vous faire défenseurs des nazis, comme si c’était forcément soit l’un soit l’autre, no other alternative.
Parce que fun fact, penser ça, que les communismes ont des objectifs louables, mais que sans démocratie, ça dérive forcément vers des drames, ça s’appelle être un socialiste démocratique, un soc-dem (à l’origine bien sûr. Aujourd'hui, le terme a évolué et désigne autre chose).
Parce qu’un communiste, un vrai, ceux des origines, ça ne participe pas aux élections, ça refuse leur légitimité et leur résultat, et ça prend le pouvoir par la force, ça n’attend pas gentiment que les capitalistes veuillent bien le céder.
Aujourd’hui, les partis communistes de quasiment toute la planète, PCF inclus, sont soc-dem (dans son sens d’origine, toujours).
Et alors les grands méchants ogres que sont Mélenchon, Faure, Hamon ou Rousseau (ou moi), je vous dis pas…
Et on peut penser que cette discussion n'a aucun intérêt... mais ce serait une erreur. Parce qu'elle a une conséquence très concrète : il est possible de travailler avec les soc-dems.
C'est pour ça que des communistes ont pu participer à des gouvernements comme ceux de de Gaulle, alors que la participation de nazis, c’est plus compliqué : la sécurité sociale, c'est compatible avec la démocratie et les droits de l’homme, exterminer les juifs, pas vraiment.
On peut les trouver utopiques, irréalisables, délusionnelles… mais le fait est que les idées communistes, l’égalité et la fin de l’exploitation, sont des idées belles et louables, bien plus que “il faut tuer tout ce qui ne me ressemble pas et me fait peur”.
J’ai lu un jour qu’en philo, on appelle ça des “idées régulatrices” : celles vers lesquelles il faut tendre sans jamais les atteindre. Demandez vous deux secondes quelles sont les idées régulatrices des fascismes et du nazisme.
Un aspect intéressant des fascismes, c’est qu’ils n’ont pas d’état de repos, de moment où une fois les objectifs atteints, on peut s’arrêter, la société devrait avoir atteint sa plénitude. Une fois les juifs éliminés, il faut éliminer les roms, puis les homos, les handicapés…
C’est aussi ça, que dit la phrase de Niemöller : non seulement qu’il faut résister avant qu’il ne soit trop tard, mais aussi que, dans un régime fasciste, il arrivera forcément un jour où ce sera votre tour. https://t.co/qx6KxcjGAG
Dans un régime fasciste, mieux vaut être certain d’être en haut de la chaîne alimentaire, parce que sinon, vous serez au menu un jour.
Parce que c’est la mécanique de cette idéologie, qui n’a pas d’autre solution à offrir que des ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur.
(Et par “en haut de la chaîne alimentaire”, il faut entendre vraiment tout en haut, pas juste être un bon exécutant : les SA l’étaient, et la nuit des longs couteaux a montré que ça ne suffisait pas.)
Bref, si vous avez une émission de télé, pensez à remplacer Olivier Babeau par un yaourt probiotique : il aura un peu plus de culture.
PS : et inutile de vous dire qu'il y a un monde entre le marxisme dans les textes, et ce qu'ont été le léninisme, le maoïsme, le stalinisme, etc, au point qu'on peut légitimement se demander si ces derniers sont bel et bien des communismes...
Mais bon, j'ai pas parlé de ça parce que je pense que ce genre de nuances échappe largement à des génies comme Babeau, et que pour lui, si ça s'en revendique, ça en est. Craignons le jour où il apprendra de quoi nazi est le diminutif...
Ah et si vous voulez creuser un peu la question de pourquoi des mécanismes démocratiques, qui permettent d'entendre le peuple, c'est important, vous pouvez aller par là.
https://twitter.com/malopedia/status/1510730420622708755
Tiens visiblement j'ai excité toute la sphère néolib sans cerveau et avec une malhonnêteté intellectuelle à toute épreuve... ¯\_(ツ)_/¯
C'est marrant, leur argument "les communistes ont exterminé les ukrainiens, les khmers, les ouïghours donc t'as tort" va dans mon sens : j'attends qu'ils me sortent la ligne du manifeste ou du K qui dit qu'il faut exterminer ces peuples, ou même un seul peuple, n’importe lequel.
Bien sûr que ça a existé, je ne le nie pas une seconde : j'ai moi même mentionné l'Holodomor et Pol pot (mais on va pas exiger d’eux qu’ils apprennent à lire jusqu’au bout d’un texte…) : https://t.co/i6BV5aCPY5
Mon point est que ces massacres ne sont pas une conséquence de la partie "égalité et fin de l'exploitation" de l'idéologie, mais de la partie "refus de la démocratie et des contre-pouvoirs”, qui permet toutes les dérives totalitaires.
Et au cas où, tout ça n'est qu'une reformulation, parce que pour les gens qui savent lire, je le dis déjà ici. https://t.co/18xcAF2rfu
Certains veulent lire dans ce fil une réhabilitation du communisme, quand le propos est qu'on ne peut célébrer ni le communisme ni le nazisme, mais d'une part qu'on ne peut pas pour autant les mettre sur un pied d'égalité...
Et d'autre part que la critique pertinente du communisme et des horreurs qui ont été commises en son nom, c'est le socialisme démocratique... pas de défendre les nazis.
Parce qu’il ne faut pas se méprendre, ils ont comme alliés ce genre d'énormes merdes pour qui mein kampf (un bouquin qui compte 487 fois le mot "juif") ne préfigurait pas la Shoah. Trigger warning, les 3 textes sont des extraits de mein kampf laissant peu de doute sur le sujet. https://t.co/xqt34uagLF
Voilà où est mon point : à vouloir faire de mauvaises équivalences, on se retrouve bien vite avec de très mauvais copains. Moi je suis assez clair sur où je suis, un socialiste démocratique, et sur qui sont les alliés que j'accepte et ceux que je refuse. L'êtes-vous ?
PS : et soyez sûrs que le jour où la LCR sera soutenue par 60% des militaires, les milliardaires et fera 40% au 2nd tour, ce jour là je trouverai peut être un peu plus pertinentes les comparaisons entre communisme et nazisme, comme s'ils représentaient aujourd'hui le même danger.