Olivier Tesquet

Le fond : l'ordinateur de Hunter Biden revient hanter Twitter. Un réseau social peut-il agir comme une police privée ?

La forme : c'est la première fois que je vois un journaliste réserver une exclu à une plateforme que le propriétaire (sa source ?) a préalablement teasé. https://t.co/XVP0JBJ3dL

Contexte : en octobre 2020, Twitter et Facebook avaient empêché - puis autorisé - le partage d'un article du @nypost au sujet d'une affaire de corruption impliquant le fils de Joe Biden, sur la foi d'éléments retrouvés sur son ordinateur.

https://www.nytimes.com/2020/10/16/technology/twitter-new-york-post.html

Même le partage en message privé a été interdit (comme pour les images pédocriminelles), au nom d'une politique interne sur les contenus piratés. A contexte électoral équivalent, c'est comme si les MacronLeaks avaient été tués dans l'oeuf en 2017 (ça n'a pas été le cas).

Ce n'est pas un hasard si Vijaya Gadde, la juriste en chef de Twitter, a été licenciée dès l'arrivée de Musk. Elle est à connue pour être à l'origine du bannissement de Trump, mais aussi de la censure de l'article du New York Post.

https://www.axios.com/2022/10/28/elon-musk-twitter-ceo-parag-agrawal

Or, en deux ans, l'affaire Hunter Biden, qui court jusqu'en Ukraine, est devenue une obsession du Parti républicain, et on ne sait toujours pas s'il s'agit d'un scandale politique ou d'une sordide opération de manipulation. Un bon article à ce sujet :

https://nymag.com/intelligencer/article/hunter-biden-laptop-investigation.html

Ce qu'on sait : que certains emails sont authentiques, et que Biden junior est sous le coup d'une enquête fédérale, pour l'instant circonscrite à des accusations de fraude fiscale et de détention illégale d'arme à feu.

https://www.washingtonpost.com/national-security/2022/10/06/hunter-biden-tax-gun-charges/

Voilà pour le fond. Concernant la forme, Musk ne cherche pas à cacher son implication dans la publication de ces "Twitter Files" puisqu'il annonce lui-même le feuilletonnage, dont il faudra mesurer l'impact politique. To be continued. https://t.co/TMOFD072fI

Sur Substack, @mtaibbi explique qu'il a dû "accepter certaines conditions" pour avoir l'exclusivité de "cette histoire explosive". Pour Musk, c'est le coup parfait : il solde l'héritage de l'ancienne direction et encaisse la recette attentionnelle.

https://taibbi.substack.com/p/note-to-readers-8d4 https://t.co/3IrTqvZBtc

En home du @nypost (propriété de Rupert Murdoch, qui vient de lâcher Trump pour DeSantis), les révélations sont même mises au crédit direct de Musk. https://t.co/wTmi5V7E2d

A ce stade, les "Twitter Files" n'apportent aucun nouvel élément d'information sur l'affaire Biden. Mais est-ce vraiment leur objet ? Ou visent-ils à démontrer que les Républicains sont plus censurés que les Démocrates ?

L'hypothèse est prisée par Musk, mais les premières études empiriques (MIT, Yale, Exeter) disent autre chose : si les Républicains sont plus censurés, c'est qu'ils véhiculent davantage de fausses informations.

https://thehill.com/opinion/technology/3273956-musk-says-twitter-is-biased-against-conservatives-facts-say-otherwise/ https://t.co/UC0VInJtxN

Du reste, Taibbi l'écrit lui-même : l'administration Trump (au pouvoir à l'époque des échanges) a elle aussi demandé - et obtenu - la suppression de contenus du camp adverse. https://twitter.com/mtaibbi/status/1598828932395978752

Sans surprise, puisque la source est aussi le média qui publie, les révélations sont amplifiées artificiellement. Aparté déontologique : est-ce que ça veut dire que Musk a payé une pige à Taibbi ? https://twitter.com/jsrailton/status/1599002777002209280

Et au moment où la commission d’enquête sur la prise du Capitole s’apprête à rendre ses conclusions, la trumposphère renverse la charge accusatoire, affirmant que les Démocrates ont volé l’élection 2020 au moyen d’une « insurrection numérique ». https://t.co/JETi8Cjfbt

Cette nuit, depuis son jet et pendant 2h, Musk a participé à un Space avec 90K personnes. Au sujet des Twitter Files : "Si vous voulez une réconciliation, il faut la vérité, dire ce qu'il s'est passé depuis l'élection"

Pour dissiper tout malentendu, il ne parle que de Biden. https://t.co/7Rk6P11yr1

C'est comme si Trump n'avait jamais existé. Pendant ce temps, sur Truth Social, l'ancien locataire de la Maison Blanche se sert de cette actualité pour réclamer l'annulation du dernier scrutin présidentiel et la suspension de la Constitution. https://t.co/xIg6uV0HN2

Mais les "Twitter Files" ne servent pas qu'à instrumentaliser la transparence à des fins partisanes. C'est aussi un moyen de jeter le discrédit sur les médias qui, à l'époque, n'ont pas mordu à l'hameçon de cette "surprise d'octobre".

Le Space complet : https://youtu.be/cJiw_VpnGgk

Ces révélations dessinent un peu mieux le projet de Musk : pour 44 milliards de dollars, il s'est payé le média le plus puissant de la planète, sur lequel il peut mener sa politique - très court-termiste - de fracturation. D'où son obsession avec les métriques d'engagement.

D'ailleurs, David Sacks, le conseiller de Musk dont j'ai déjà eu l'occasion de parler ici, le formule encore plus clairement. https://t.co/GJggtfo38W

Rebondissement : @mtaibbi affirme que le deuxième volet des « Twitter Files » a été bloqué par le juriste en chef du réseau social, un ancien ponte controversé du FBI. Musk l’a depuis licencié. https://twitter.com/mtaibbi/status/1600243756074049537

Intéressante requête de l’ancien patron de Twitter, Jack Dorsey. Il a raison : la transparence sélective, ce n’est pas la transparence, c’est l’instrumentalisation. https://twitter.com/jack/status/1600469184755822597

Ce deuxième volet des « Twitter Files » est un pétard mouillé. Les contenus haineux et la désinformation sont privés d’amplification ? Musk l’a promis lui-même : « free speech, not free reach ». https://twitter.com/bariweiss/status/1601007575633305600

Ici, la nouvelle directrice de la sécurité de Twitter explique qu’elle a fourni les photos d’écran « demandées » pour éviter l’accès à des données personnelles d’utilisateurs. Demandées par qui ? @bariweiss ? @elonmusk ? https://twitter.com/ellagirwin/status/1601084794288640000

Mais une fois encore, le contenu de ces révélations est accessoire. Il s’agit avant tout de courtiser une force politique réactionnaire qui le lui rend bien. https://twitter.com/oliviertesquet/status/1600801315306803200

[Twitter Files, vol. 3] Les coulisses de l'excommunication numérique de Trump montrent bien ce qu'est la modération sur les plateformes : une succession ininterrompue de comparutions immédiates derrière une glace sans tain. https://twitter.com/mtaibbi/status/1601352083617505281

On peut - et on doit - débattre du "deplatforming" de Trump, mais comment est-ce possible, en 67 tweets, de ne JAMAIS mentionner ses mensonges sur le fait que l'élection 2020 a été volée, mensonges qui ont joué un rôle dans les événements du 6 janvier au Capitole ? https://t.co/2BtNs2xjTl

Ce "coming soon" de Musk en réponse à l'un des missi dominici de Trump illustre à merveille la chute du papier de @cwarzel : "La conspiration hors de portée est toujours plus puissante que celle qui a été (soi-disant) révélée".

https://www.theatlantic.com/technology/archive/2022/12/elon-musk-twitter-files-documents-bari-weiss/672421/ https://t.co/kHdaq5vLKA

Sat Dec 10 09:50:06 +0000 2022