Guillaume Nicoulaud
@ordrespontane
Sun Mar 14 16:09:01 +0000 2021

Immense classique des familles : le petit dernier en larmes qui vient trouver ses parents en accusant ses aînés d’être horriblement méchants avec lui ; accusation qui, après vérification, se révèle être à minima très largement exagérée. #Thread

Pourquoi votre bout de chou porte-t-il de telles accusations ? Eh bien parce qu’il espère en tirer quelques avantages de votre part : de l’attention, la friandise que vous lui refusiez 2 minutes plus tôt où l’obligation pour son grand frère de lui laisser la console de jeu.

En général, ça passe avec l’âge. En grandissant, endosser le statut de victime à tout bout de champs ne renvoie pas une image très valorisante de vous-même — sans compter qu’à force, vous avez finit par perdre toute crédibilité.

Reste que, surtout dans des sociétés très protectrices comme nos sociétés occidentales modernes, se faire passer pour une victime (ou exagérer très largement les faits) est une façon très efficace d’obtenir des avantages.

Entendons-nous bien : il y a malheureusement beaucoup de véritables victimes qui ont les raisons les plus légitimes du monde de s’en plaindre. Agressions, discriminations, traitements injustes… la liste est longue.

Par ailleurs, les experts semblent s’accorder sur le fait que, notamment dans le cas d’agressions, la reconnaissance du statut des victimes (et de celui de leurs agresseurs) est une étape essentielle du processus de reconstruction.

Reste que la réaction qui consiste à faire systématiquement état de son statut de victime (réelle ou supposée) est loin d’être commune.

Mes lectures du week-end à ce propos dressent un portrait peu flatteur (euphémisme) des personnes concernées.

De fait, si j’en crois la littérature sur le sujet, il semble bien que cette tendance à la victimisation soit un trait de caractère, un profil psychologique indépendant des groupes sociaux et des expériences de celles et ceux qui le développent.

Comprenez : vous pouvez tout à fait être noir et avoir objectivement été victime de racisme sans jamais vous poser en victime et, symétriquement, vous sentir terriblement agressé par le fait qu’une enseigne vende des sacs à dos roses pour les filles.

En gros, si on résume, c’est ces gens se caractérisent par un fort besoin de reconnaissance (narcissisme), une forme d’élitisme moral, un manque certain d’empathie, une tendance à ruminer leurs rancœurs et une bonne dose de machiavélisme. #Charmants

La « victimisation vertueuse » (i.e. l’art de se poser en victime tout se parant de grandes vertus morales) serait une stratégie plus ou moins consciente visant principalement à acquérir des avantages (matériels ou pas) aux dépens des autres.

Il semble établit que les individus qui présentent les traits de la « triade noire » (narcissisme, machiavélisme et psychopathie… bref, des gens adorables !) sont plus susceptibles de pratiquer la victimisation vertueuse que les autres.

Au-delà des aspects matériels (nous sommes tous prompts à aider les victimes et ce, d’autant plus qu’elles nous semblent vertueuses) la victimisation bien exploitée apporte aussi un mélange de renommée, de légitimité et de prestige moral.

Par ailleurs, la victimisation permet d’acquérir une certaine impunité : si vous avez fait quelque chose de mal, vos bonnes actions passées ne vous seront d’aucun secours mais le statut de victime peut vous sortir d’affaire.

Notez aussi que la victimisation, c’est une compétition : si un groupe accuse le vôtre de quelques méfaits, vous vous défendez en les accusant de quelque chose de pire encore (le « grand remplacement », c’est largement de la compétition victimaire.)

Encore une fois : il y a beaucoup de vraies victimes qui méritent notre compassion. Mais, parmi celles et ceux qui se posent perpétuellement en victimes, il y a aussi tout un tas de manipulateurs égocentriques et sans scrupules. #Fin

Biblio (1/4) :
Rahav Gabaya, Boaz Hameirib, Tammy Rubel-Lifschitzd et Arie Nadler — The tendency for interpersonal victimhood: The personality construct and its consequences.
https://t.co/YWfpVWFUCU

Biblio (2/4) :
Ekin Ok, Yi Qian, Brendan Strejcek et Karl Aquino — Signaling Virtuous Victimhood as Indicators of Dark Triad Personalities
https://t.co/CkzUi0xdwe

Biblio (3/4) :
Kurt Gray, Daniel M. Wegner — To escape blame, don’t be a hero—Be a victim https://t.co/LbppcfROEe

Biblio (4/4) :
Daniel Sullivan, Mark J. Landau, Nyla R. Branscombe et Zachary K. Rothschild — Competitive Victimhood as a Response to Accusations of Ingroup Harm Doing
https://t.co/YG2LI4wkDf

Sun Mar 14 16:16:06 +0000 2021