Un petit reality check sur l'organisation, la modération voire la censure sur Mastodon. Disclaimer : j'aime bien Mastodon mais il faut rester lucide et éviter de le voir comme solution parfaite. https://t.co/dvkUodaKkM
Constatations : 1. ce n'est pas Mastodon ou (exclusif) Twitter, rien n'empêche d'être sur les 2.
2. Les inquiétudes autour de Twitter en UE ont en toile de fond l'absence de plateforme UE de contenu utilisateur.
3. Le législateur a entériné ce fait et se défoule en régulant les plateformes essentiellement US existantes, créant de ce fait des barrières à l'entrée pour d'autres acteurs même petits (cf retrait des contenus en 1h).
4.le législateur/régulateur n'aime pas les petites entités (= beaucoup d'interlocuteurs) et la situation avec très peu de gros acteurs lui convient très bien. La décentralisation ne l'arrange pas du tout.
5. on peut remercier à répétition @Wikimedia_Fr d'être littéralement le seul interlocuteur de poids en France avec une très grosse audience sans être de nature commerciale, que le législateur/régulateur accepte d'inviter à la table (sans forcément l'écouter beaucoup).
6. côté Mastodon, la décentralisation n'a pas que des avantages : complexité d'usage, manque d'homogénéité avec créations de petits fiefs aux règles variées obligeant à bien choisir son instance de connexion, l'inverse donc de Twitter : modération imparfaite mais unifiée.
7. L'installation et l'administration, + mises à jour, de Mastodon sont une entreprise assez lourde et pas accessible au commun des mortels. La décentralisation est donc d'ampleur assez limitée et gérer une grosse instance peut être coûteux, ne serait-ce qu'en temps passé.
8. La modération est un problème complexe en soi, quasi insoluble. Il ne faut en attendre aucun miracle, qu'elle soit trop légère ou trop lourde, et Mastodon pas plus que Twitter n'a trouvé un équilibre réellement satisfaisant.
9. La poussée pour rendre responsable éditorial tout site hébergeur de contenu utilisateur, dans l'espoir un peu futile de mettre ainsi des bâtons dans les roues des GAFAM, n'arrange rien à l'affaire, cela retombe sur toutes les entités même petites.
10. Résultat du 9 et du reste de la législation, il n'existe aucun site majeur hébergeur de contenu utilisateur en UE (hors à la marge quelques blogs payants associés à des abonnements de journaux, comme chez @Mediapart). et cette bataille est PERDUE, deal with it.
11. Le point 10 pose évidemment maintenant des problèmes de souveraineté et de modération des contenus. Deal with it 2, ce n'est pas faute d'avoir prévenu.
12. effet pervers d'avoir des pouvoirs publics + législateur qui ne mesurent la crédibilité d'un acteur qu'à sa surface financière : les acteurs locaux audibles sont les ayants-droit médias/divertissement, pas franchement épris de préservation du contenu utilisateur.
13 (prospective) la décentralisation étant souvent moins efficace en impact environnemental pour du service en ligne (perte d'effets d'échelle), on peut craindre que de futures législations environnementales "empreinte du numérique" mal pensées aggravent les barrières à l'entrée.