Qu’est-ce que cette école a de particulier? Et quel drame est en train de s’y jouer? #Thread https://t.co/ZQ1tUz2fRc
Cette école est l’école primaire où j’ai été, de mon CP à mon CM2. Mais ça, finalement, on s’en fout.
En d’autres circonstances, j’aurais été tenté de vous raconter pourquoi j’y ai vécu des années tellement belles, avec mes copains, Guiguitte, son institutrice dévouée, et Mme Bonnafous, la cantinière qui nous faisait le meilleur plat du monde : du riz au jambon.
J’aurais rappelé ces séances de typographies avec des caractères en plomb (on y pratiquait la pédagogie Freinet), les parties de foot dans la cour avec des buts en blouson, et les ateliers pyrogravures.
J’ai été dans cette école de 1977 à 1982. Dans le village de Fraïsse sur Agout, dans les hauts cantons de l’Herault. Mais ça, on s’en fout aussi, ce qui se passe dans cette école, dans ce village, pourrait se passer dans des centaines de villages de mon pays, la France.
Je pourrais aussi vous parler de ces familles arrivées dans la queue de comète des années 70, s’installant dans l’agriculture, le tourisme ou l’artisanat. Repeuplant les fermes abandonnées dans les montagnes par l’exode rural, et permettant à cette école de rester ouverte.
Parmi ces familles, mes parents. Oh, certes, ils n’ont pas été très bien accueillis, mais ça aussi on s’en fout. Ils étaient d’une autre culture, de la ville, ils ne s’intégraient pas bien aux fêtes de village. Mais 40 ans après, ma mère est toujours là, mon père y a sa tombe.
Avec le temps, tout le monde s’est compris, ou s’est supporté. Tout le monde a compris qu’ils étaient alliés, dans ces montagnes au climat pourri, mais au luxe de l’immensité végétale, des plateaux déserts, des forêts battues par les vents.
Ma mère a animé mille associations, soirées culturelles, ciné club, classes vertes. Mon petit frère est aujourd’hui conseiller municipal. Ses enfants eux aussi vont maintenant dans cette école.
Grâce à eux, cette école est restée ouverte.
Alors que se passe t’il dans cette école, aujourd’hui?
Et bien elle accueille un jeune enfant albanais. Appelons le E. Si je ne donne pas son nom, c’est que sa mère, terrorisée, s’y oppose. Elle a peur que son mari, qu’elle a fui comme son pays, la retrouve.
Elle a peur de mourir.
Oui, car quand elle est arrivée à Fraisse sur Agout, après des mois d’errance via la Grèce et l’Italie, F. a été hébergée dans une famille.
Puis le village s’est mobilisé pour la loger dans un petit appartement que la mairie a mis à disposition. Ma mère a amené un frigo, d’autres ont repeint les murs, amené des matelas, des chaises, des assiettes.
Un groupe ouvre un petit compte à l’épicerie du village, une artiste accueille E. en stage de dessin, des familles s’ouvrent et des enfants se rencontrent, jouent, rient. On fête Noël chez Myriam, qui donne des cours de Français à la maman.
Marie et Claude proposent leur jardin potager et des cours aussi. Claude, Delphine et Bernadette font le co-voiturage. Sylvie offre un portable. On propose de créer un atelier couture de doudous. Une promesse d’embauche voit le jour. L’espoir naît.
On sait que la régularisation pourra intervenir au bout des trois ans de scolarité des enfants. Mars 2020. On en rêve comme du Père Noël. On parle au futur. Du futur de l’aîné, quand il sera architecte.
Mais non. Tout ça n’aura pas lieu. L’obligation de quitter le territoire, exécutoire au 10 juillet, est tombée. L’Albanie n’est pas un pays en guerre. Que F. soit sous la menace d’un mari qui la frappait, ou d’une famille prête à la mettre à mort, cela ne compte pas.
Alors E., cet enfant qui a fréquenté mon école, appris le français en quelques semaines, s’est imaginé un futur, E. soit rentrer « chez lui ». Ce pays violent ou sa maman n’a pas d’avenir, et ne restera probablement pas en vie.
Choses inédite, le village tout entier s’est insurgé. Les « néo » comme les « natifs », qui pendant 40 ans sont restés un peu à l’écart, en faisant semblant que c’était normal. Tout un symbole.
F. et ses deux enfants ont quitté leur logement. Officiellement, on ne sait pas où ils sont. Probablement dans un lieu dont personne ne donnera le nom. Car personne ne veut lâcher la famille.
En partant, les enfants ont laissé quelques dessins sur la porte (photo : Stéphane Porcher / @francebleu) https://t.co/btVqtv2J7t
Alors oui, réfléchissons quelques instants à cette situation absurde et pathétique ou E. ne pourra pas avoir les memes souvenirs que moi, dans la même école, car mon pays LA FRANCE refuse à UN ENFANT le droit d’espérer retourner à l’école, et de garder sa mère EN VIE.
Si vous voulez aider, partagez cette histoire. Un article du @Midilibre : https://t.co/cqqe6RTaER
Un article de Stefane Pocher (@SPOCHER ) de @francebleu Hérault, qui a aussi fait les photos du thread ci dessus : https://t.co/8Uo90T7aCy
J’ajouterai ici des infos et liens au fur et à mesure que j’en reçois. #FinDuThread provisoire.